informations Mediapart (Photo : Thomas Coex) |
[01/10/2013 08:30:33] Paris (AFP) Les rubriques de libre expression de grands sites d’info français – Le Nouvel Observateur, le Huffington Post, L’Express, le Journal du Net, Médiapart, Capital, Les Echos – se sont fait piéger par de faux experts, qui cherchaient visiblement à les manipuler, révèle une minutieuse enquête du Journal du Net.
Ces sites réputés ont été “victimes d’une intox à grande échelle”, écrit son auteur Nicolas Arpagian, qui a repéré dans leurs chroniques la promotion suspecte et récurrente de plusieurs entreprises, un indice de l’action organisée d’agences de communication ou de lobbies.
A la suite de son enquête, la plupart des sites d’info ont renforcé leur processus de vérification de leurs experts et retiré les billets incriminés, sauf Médiapart, qui précise n’exercer aucun contrôle sur les contributions extérieures.
Ces faux experts écrivent en faveur de marques, d’entreprises, voire d’idées ou de pays, via des articles soigneusement rédigés, bourrés de liens et de références sérieuses, raconte le JDN. “Ils profitent aussi des audiences des sites médias pour doper leur référencement en plaçant des liens pointant vers les pages de leurs clients”, souligne Nicolas Arpagian.
accueil du site internet du Huffington Post (Photo : Lionel Bonaventure) |
Premier stratagème, un faux nom. Gare donc aux contributeurs qui n’ont aucune autre existence numérique. Il leur faut aussi une photo: ils scannent des annuaires papier, pour éviter les vérifications par recherche d’image, mais parfois volent une photo sur la Toile.
Autre tromperie, se présenter comme salarié d’une entreprise ou institution de renom. Ainsi un Marc Chevrier a signé des chroniques dans le JDN comme faux membre du cabinet de recrutement Mercuri Urval, et sur L’Express comme thésard de l’Université de Tbilissi. L’Express a depuis effacé son profil.
“Les informations que donnait ce Marc Chevrier étaient vraies”, a commenté Adrien Sénécat, community manager d’Express Yourself. “On peut penser qu’il était mal intentionné car il se sert du site pour asseoir sa légitimité ailleurs. Nous devons nous méfier des faux vrais noms, et vérifier les titres”, a-t-il expliqué.
“Redoubler de vigilance”
Parfois les faux experts se créent des profils numériques pour crédibiliser leur existence. L’enquêteur du JDN a fait avouer à un faux journaliste qu’il était payé pour promouvoir une start-up, Educadis. Il avait été validé par le site du Nouvel Observateur, puis tweeté par le Centre d’Analyse stratégique du Premier ministre.
“C’est une bonne leçon pour nous : cela nous pousse à redoubler de vigilance”, reconnaît Aude Baron, rédactrice en chef du Plus-Nouvel Obs, “même si nous devons relativiser car il n’y a eu de souci que sur une des 50.000 contributions”. “Cela accroît notre méfiance face aux agences de com’ qui veulent nous manipuler. Le contenu en question était intéressant et assez nuancé. Du beau travail, il faut le reconnaître”.
Médiapart, Les Echos, le Figaro, le Huffington Post et Economie Matin ont également été infiltrés par des faux contributeurs, comme ce Nicklas Boden qui publie dans Le Cercle Les Echos des chroniques sur Numericable, la Banque Saint Olive ou les Entreprises de Taille Intermédiaire. Sa photo est en fait celle d’un joueur de tennis suédois, Nicklas Kulti.
Les Echos.fr n’ont pas retiré ses chroniques mais avertissent le lecteur qu'”un article du JDnet met en cause la qualité de ce contributeur”. Sa photo a disparu.
“Ce monsieur partage ses centres d’intérêts hétéroclites avec d’autres chroniqueurs” comme “Jean-Sébastien Bamvilla”, sur Médiapart, qui a écrit près de 60 tribunes allant de l’interchange aux cigarettes électroniques, en passant par les coulisses de l’Unesco, explique le JDN.
Le JDN dresse une liste non exhaustive de onze noms les plus cités chez les faussaires: Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA), ASMEP-ETI, Banque Publique d’Investissement, Banque Saint Olive, Club Auto AMTT, KPMG, Les Entreprises du Médicament (LEEM), Numericable, Swan Operations, Ukraine et Vivarte.
“C’est un des risques du métier”, admet Marc Bot, du Huffington Post. “Depuis, nous avons renforcé notre processus de vérification. Mais il est intéressant que nous ne soyions pas les seuls et qu’il y ait une tendance de fond”.