France : la réforme des OPA redoutée par le secteur boursier

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à Paris (Photo : Thomas Coex)

[01/10/2013 14:19:35] Paris (AFP) La réforme de la procédure d’offre publique d’achat (OPA), prévue par les députés français, suscite beaucoup de réserves du côté des acteurs boursiers, qui redoutent un “effet pervers” sur l’attractivité de la place financière parisienne.

Du petit actionnaire à l’Autorité des marchés financiers (AMF), les questions sur les mesures prévues par la proposition de loi “Florange”, qui doit être votée en première lecture à l’Assemblée nationale mardi, sont nombreuses.

Le texte comporte deux parties. La première, sous les projecteurs politiques, prévoit une obligation de rechercher un repreneur pour un site industriel rentable voué à la fermeture, inspirée par les déboires de l’aciérie mosellane d’ArcelorMittal.

Le deuxième volet, qui concentre les inquiétudes du secteur boursier, est consacré aux OPA hostiles et à la valorisation de l’actionnariat durable.

“Bon nombre de nos émetteurs nous ont fait part de leurs inquiétudes quant au projet de loi anti-OPA qui pourrait conduire à une défiance des investisseurs domestiques ou étrangers à l?égard des actions cotées à Paris”, affirme NYSE Euronext, l’opérateur de la Bourse de Paris.

Ce texte “risque d’aboutir au contraire des effets recherchés” et d'”envoyer un mauvais signal”, estime aussi Arnaud de Bresson, délégué général de l?association Paris Europlace, qui défend les intérêts de la place parisienne.

Certes, les députés ont abandonné la mesure la plus emblématique du texte: l’abaissement du seuil de déclenchement d’une OPA à 25% du capital contre 30% actuellement.

Mais les mesures qui perdurent restent des sujets de préoccupations, en premier lieu la consultation du Comité d’entreprise (CE) lors du dépôt d’une offre ou encore la généralisation d’un droit de vote double pour les actions détenues depuis plus de deux ans.

Concernant le CE, le texte a été complété. Son avis doit maintenant être rendu “dans un délai d’un mois à compter du dépôt du projet”, mais un juge peut être saisi et “décider la prolongation du délai”.

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érence en presse (Photo : Eric Piermont)

“Le Parlement a levé certaines des questions”, a souligné le président de l’AMF, Gérard Rameix, sollicité par l’AFP en marge d’une conférence en presse. Mais l’une des “principales reste la maîtrise du calendrier de l?offre, en lien avec le rôle désormais dévolu au CE”, a-t-il poursuivi.

“Nous ne sommes pas contre une meilleure représentation des salariés. Nous attirons simplement l?attention sur les conséquences possibles du dispositif tel qu?adopté”, a ajouté M. Rameix, qui avait eu, avant la première lecture, un échange épistolaire aigre-doux avec les députés PS.

Ce point de la maîtrise du calendrier est en effet critique pour nombre d’intervenants.

Cette initiative est “compréhensible sur le principe”, mais “elle pénaliserait lourdement la place de Paris”, selon M. de Bresson, car “mettre un délai d’un mois qui peut se prolonger en cas de saisine est incompatible avec le calendrier des opérations industrielles”.

“Le fait d’encadrer le délai” est “une bonne chose” mais ce processus “risque de mettre plus de temps”. Cette “incertitude supplémentaire peut potentiellement faire dérailler une opération” et “contribuer un peu plus à faire migrer les opérations à l’étranger”, a également analysé Hubert Segain, associé du cabinet Herbert Smith Freehills, spécialisé dans les opérations boursières.

“La démarche est louable”, a admis Aldo Sicurani, délégué général de la Fédération des investisseurs individuels et des clubs d’investissements (F2iC), mais cette procédure “alourdie” joue “en défaveur de l’attractivité”.

Des mesures pour empêcher les OPA rampantes

La question de l’automatisation du droit de vote double est également sensible.

C’est le point “le plus grave”, car un actionnaire “qui fait un investissement et qui attend aura un pouvoir plus important que celui qui investit beaucoup”, a dénoncé un dirigeant de banque internationale. Sous couvert d’anonymat, il y voit un “triomphe de l’idéologie de la rente”, “avec un effet immédiat de perte de valeur pour l’entreprise”.

Et “il n’est pas certain que cela empêchera un prédateur de monter”, souligne M. Sicurani.

A ce sujet, M. Rameix s’est félicité de l’adoption de deux mesures qui offrent une “assez bonne réponse au problème de contrôle rampant” et aux “OPA au rabais”.

Le texte prévoit ainsi qu’à la clôture de l’offre l’acquéreur doit détenir “un nombre d’actions” représentant au moins la moitié “du capital ou des droits de vote”. Il ralentit aussi la vitesse d?acquisition, une fois franchi le seuil de 30%. “Aujourd’hui, il est possible d’acquérir 2% par an, demain ce sera seulement 1%”, a expliqué M. Rameix.

Au final, si la version des députés n’a pas éteint toutes les inquiétudes, d’aucuns espèrent encore que les sénateurs y pourvoiront.