«J’espère qu’on ne va pas faire les mêmes erreurs dans les prochains textes, et notamment celle de partir d’une feuille blanche, comme si la Tunisie n’avait pas d’histoire». C’est un verdict sans appel qu’ont prononcé les membres et responsables de l’Association Tunisienne de Droit Constitutionnel (ATDC) à l’encontre l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) accusée d’avoir commis toutes les erreurs possibles et imaginables dans l’élaboration des lois et notamment de la plus importante parmi elles, la Constitution.
L’énoncé du sujet de la conférence organisée samedi 28 septembre 2013 annonçait déjà la couleur: «Droit des crises et crise du droit en période de transition».
A priori, tout devrait et devait, dans le cas de la Tunisie, se passer plutôt bien; puisque les lois sont supposées apporter des solutions aux «crises inhérentes à toute transition», observe Farhat Horchani, président de l’ATDC. Or, il n’en est rien puisque le pays continue à se débattre dans une crise «aux multiples causes». Juridique mais pas seulement, cette crise a d’abord et essentiellement, d’après M. Horchani, des raisons politique, idéologique et technique.
Politique, d’abord, et le président de l’ATDC en voit au moins trois: «un paysage politique encore en formation, un rapport des forces pas clair et des partis présents à l’ANC qui ne représentent pas tout le spectre de l’extérieur».
Idéologique, ensuite. Ici le malaise tient, d’après M. Horchani au fait que nous sommes en présence d’un «parti à caractère religieux qui n’a pas pu convaincre tout le monde qu’il ne veut pas changer les caractéristiques de la société; d’où l’absence de confiance».
Technique et juridique, enfin, et c’est là que l’ANC en prend pour son grade. Car le juriste relève à ce niveau plusieurs dysfonctionnements qu’il impute aux Constituants.
Le premier réside dans «une faiblesse flagrante dans l’élaboration des textes juridiques bien que l’ANC ait écouté de nombreux experts». Plus grave encore, le conférencier affirme avoir noté «une mauvaise fois originelle» qui s’est matérialisée d’après lui par «les nombreuses mines» dont sont truffés «tous les textes de loi et la Constitution en particulier». De même, l’expert affirme avoir parfois décelé «des … et des lacunes flagrantes que le droit peut surmonter par la jurisprudence ou l’amendement; mais la jurisprudence est parfois impossible». Farhat Horchani en donne un exemple. «Le parti dominant, Ennahdha, n’a jamais envisagé que son secrétaire général pourrait démissionner» de son poste de chef du gouvernement.
Enfin, plus grave, le président de l’ATDC prête aux députés, ou à certains d’entre eux, d’avoir eu «l’intention de violer la loi», en l’occurrence celle portant création de l’ISIE (Instance supérieure indépendante des élections) qui «n’a pas appliqué intégralement les dispositions concernant les critères de sélection. Ce qui est grave. Heureusement qu’il y avait le tribunal administratif (qui a déclaré nul et non avenu la sélection des candidats à l’ISIE)», déclare l’universitaire.