éroport de Marseille, le 28 septembre 2010 (Photo : Anne-Christine Poujoulat) |
[02/10/2013 07:50:10] Marseille (AFP) Le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence rend mercredi son jugement dans le procès de la compagnie aérienne irlandaise Ryanair, dans le collimateur de la justice pour avoir enfreint le droit social français à l’aéroport de Marseille.
Lors du procès fin mai, le parquet a requis la confiscation, en valeur, des biens “ayant servi à commettre les infractions” reprochées à Ryanair, dont quatre Boeing 737 stationnés pendant quatre ans à Marignane (Bouches-du-Rhône), en complément d’une amende de 225.000 euros.
Les parties civiles – l’Urssaf, Pôle Emploi, la Caisse de retraite et des syndicats des personnels navigants – réclament par ailleurs près de 10 millions d’euros de dommages-intérêts.
Dans un communiqué publié mardi, le leader européen du low cost a dit “s’attendre à une “défaite” et d’ores et déjà prévenu qu’il ferait appel d'”une décision négative et toute tentative des autorités françaises d’exiger le remboursement des cotisations sociales qui ont déjà été entièrement payées en Irlande”.
De l’ouverture d’une base en 2007 à sa fermeture en trompe-l’oeil début 2011, Ryanair n’a jamais déclaré son activité ni au registre du commerce ni à l’Urssaf, tandis que ses 127 salariés relevaient du droit irlandais.
Un décret de 2006 prévoit que le code du travail français s’applique aux entreprises de transport aérien disposant en France d’une base d’exploitation, mais le transporteur – qui a tenté d’échapper par deux fois à sa comparution devant la justice, obtenant même un renvoi des débats fin janvier – invoque “un simple entretien” des appareils installés à Marignane.
Vu que les équipages volaient dans “des avions enregistrés en Irlande, ils sont considérés comme travaillant principalement en Irlande, et non en France”, soutient le groupe, convaincu que ce décret a été “spécifiquement introduit par le gouvernement afin de protéger la compagnie déficitaire Air France et de limiter la concurrence”.
Pour l’accusation, Ryanair “joue avec les mots” et la pérennité de son activité ne fait pas de doute, comme en atteste la présence de locaux, d’équipements et de deux cadres. Quant au personnel, il vivait dans la région.
“Mépris des travailleurs”
“On a affaire à une société dont le seul objectif est de contrer la loi au mépris des intérêts des travailleurs”, avait lancé dans son réquisitoire la représentante du ministère public.
Du côté des plaignants, on espère “une peine exemplaire”, relève Me Roland Rappaport, avocat du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).
Au point, qui sait, de faire enfin rentrer Ryanair dans le rang? “Petit à petit les compagnies à bas coûts se mettent en règle”, assure Me Claire Hocquet, autre conseil du SNPL, citant l’exemple de la britannique easyJet, condamnée en 2010, pour des faits similaires, à verser 1,4 million d’euros à Pôle Emploi et 150.000 euros d’amende.
Dans le paysage des low cost, la compagnie irlandaise fait désormais figure d’exception, poursuit-elle, alors que son modèle extrême – rythmes infernaux des équipages, conditions de travail déplorables, obsession des économies de carburant – a été récemment dénoncé par des pilotes inquiets pour la sécurité.
“L’étau se resserre un peu sur Ryanair, mais il leur reste une grosse marge de manoeuvre”, estime Yan Derocles, analyste chez Oddo Securities, jugeant “ultra-marginal” l’impact d’une éventuelle condamnation sur l’activité de l’entreprise.
Celle-ci affiche une belle santé avec des bénéfices de 569 millions d’euros sur l’exercice 2012-2013, pour un chiffre d’affaires de 4,88 milliards.
A Marseille, malgré ses démêlés judiciaires, Ryanair propose un nombre toujours plus grand de liaisons en affectant des avions sur place uniquement pendant la saison estivale, contournant ainsi la loi.
Officiellement pourtant, elle a plié bagages haut et fort, avec le soutien d’élus locaux, après sa mise en examen fin 2010 pour travail dissimulé, entrave au fonctionnement du comité d’entreprise, à celui des délégués du personnel, à l’exercice du droit syndical, et emploi illicite de personnels navigants.
“L’organisation actuelle est tout aussi illicite et une procédure a été ouverte au parquet d’Aix-en-Provence”, précisent les avocats du SNPL, déterminés à poursuivre leur combat après ce procès.