Au regard de la qualité des composantes de la population tunisienne (2,7, millions de pauvres, 1,5 million vivant dans un secteur informel hors la loi, 750.000 chômeurs -dont 250.000 de diplômés-, 1,9 million d’analphabètes, 1,5 million d’intégristes disciplinés cherchant à ramener le pays au moyen âge, 1 million d’émigrés -individualistes bien intégrés et enclins plus à ramasser l’argent et à défendre, en off shore, un projet identitaire utopique, qu’à investir dans leur pays, 2,5 millions d’élèves et d’étudiants encore immatures, 6.500 hommes d’affaires -qui expatrient le plus net de leur fortune-, il est vraiment difficile, pour les rêveurs de démocratie et d’une nation moderne, de penser que les prochaines élections seront transparentes et démocratiques.
Logiquement et compte tenu de ce existe, ces élections libres tant rêvées, après la révolution, ne peuvent qu’être soit falsifiées soit achetées.
Quant à un éventuel achat des élections (entendez achat des consciences), Ennahdha, Nidaa Tounès, El Mahabba -du richissime off shore Hechmi Hamdi-, Union patriotique libre -du magnat Slim Riahi-, sont particulièrement aguerris à cet exercice immoral.
Ainsi, à défaut de programmes politique, socioéconomique et culturel pouvant convaincre les pauvres de Tunisie, lesquels ont le plus besoin de ces élections pour changer leur quotidien misérable, des armadas de commerçants de religion de basse facture (nahdhaouis et dérivés), sans fois ni loi à la solde d’émirats du golfe, des blanchisseurs d’argent qui se sont donné tout juste la peine de naître, et d’autres mafieux vont s’ingénier et à courtiser des électeurs, pour la plupart encore au premier besoin physiologique de la pyramide du sociologue américain Abraham Maslow, celui “de respirer, boire, manger, dormir et rien d’autre“. Ce sont les «khobzistes» dont parlait Bourguiba.
Quelque part, il faut comprendre ces affamés. Marginalisés, des décennies durant, ces indignés, voire ces «sous-hommes» malgré eux, sont éternellement pris à la gorge par des difficultés structurelles générées par la concomitance de plusieurs périodes de grande consommation (Ramadhan, vacances estivales, rentrée scolaire, fêtes religieuses, fiançailles mariages, circoncisions, opérations chirurgicales… (Aid El Fitr et Aid El Idha…).
Ces Tunisiens, structurellement fragilisés par la précarité, ont, auparavant, succombé à la tentation d’échanger leur conscience contre de sommes modiques d’argent, et risquent malheureusement de récidiver.
Parfaitement conscients de ce filon électoral, des partis, adossés à des chaînes de télévision acquises à leur cause –cas d’Almoutawassit et de Zaytouna pour Ennahdha) et de fausses associations caritatives dopées par un argent dont la provenance reste très louche, ont bien compris le message, et n’ont pas hésité à courtiser par tous les moyens cette clientèle malléable.
L’appât pour séduire les pauvres
Ces derniers exploitent, généralement, les aléas climatiques (inondations, sécheresse extrême, froid, neige…) et l’avènement des périodes de consommation de pointe précitées pour fournir, lors du mois de ramadhan, «les couffins» les mieux remplis, des fringues et jouets pour enfants lors de la fête de l’Aid El Fitr, de l’argent de poche pour se déplacer, se nourrir (sandwich, fast food, quart de poulet…).
Point d’orgue de cette générosité aux desseins inavouables, l’organisation en grande pompe, par le parti Ennahdha, de mariages groupés pour des dizaines de couples démunis. Tout était désormais possible pour ces grands frustrés. Même le mouton de l’Aid, il leur était offert gratis.
Dans les zones montagneuses reculées de Kroumirie, des associations à référence religieuse mettent à profit les vagues de froid pour sillonner douars et villages collinaires, et apporter, à de pauvres gens éternellement affamés, des aides en espèces et en nature, et parfois les deux à la fois.
Ces aides sont assez significatives. Il s’agit de sommes d’argent en liquide (100 à 200 dinars, je dis bien 100 à 200 dinars), réfrigérateurs, postes de télévision, réchauds à pétrole, matelas, machines à laver, couvertures dans l’emballage, salons et autres équipements, importantes quantités de denrées alimentaires (5 kg de pâtes alimentaires, 5 kg de tomates concentrées, 5 litres d’huile végétale, jus de fruit, savons, thé, sucre…).
Le ridicule dans cette affaire est le comportement des bénéficiaires. Ces derniers n’étant pas habitués à l’électroménager (leurs foyers ne sont pas alimentés en électricité) et à d’autres produits (jus de fruit, et concentrés…) se sont empressés le lendemain pour les vendre au plus offrant au souk hebdomadaire d’Ain Draham et de Fernana, par exemple.
A Sidi Bouzid, ville natale du président du parti «Al Mahabba», des individus -et non des citoyens- auraient obtenu des garanties pour acheter à crédit.
Par delà ce constat, cette tendance de vendre sa conscience contre de l’argent, tendance que certains n’hésiteraient pas de qualifier de “dégradante“ pour des Tunisiens «idéalisés à tort», n’est pas nouvelle. Elle est fort courante dans les pays sous-développés, particulièrement en Afrique et dans le monde arabe.
Et pour ne rien oublier, rappelons ce proverbe tchadien, à ceux qui ne sont pas dans le besoin et qui échangent délibérément leur conscience contre un bien matériel périssable: «Si tu ne te bats pas pour ce que tu veux, alors ne pleures pas pour ce que tu as perdu».
Quant aux véritables démocrates du pays, il m’est très difficile de leur dire que le chemin est encore long, très long… Mais il ne faut jamais abandonner…