On serait tenté de croire que le tourisme est le plus gros consommateur d’eau en Tunisie. Mais ce n’est pas le cas. En fait, ce secteur ne consomme que 1% des ressources en eau du pays contre 5% pour l’industrie, 17% pour l’usage domestique et 83% pour l’agriculture.
Seulement cette eau, il la consomme au moment où elle est très rare car ses pics se font en été -manque de précipitations-, et que le secteur pourrait faire de grandes économies en eau s’il s’outillait correctement pour cela. D’autant plus que la Tunisie vit dans un état de stress hydrique. Les 4,6 milliards de m3/an, soit 450 m3 d’eau/an/habitant, la place au niveau des pays pauvres en eau, d’où l’urgence de se pencher sur la question.
D’abord, il s’agit de commencer par faire la guerre aux fausses idées même si un touriste consomme 532 litres d’eau/lit occupé contre 97 litres/habitant. En 2012, la consommation en eau du tourisme a atteint 16 millions de m3 sur les 47 millions de m3. Il faut oublier les accusations simplistes du genre «un golf ça consomme beaucoup trop d’eau», ou encore «l’arrosage des jardins et des piscines d’un hôtel sont une ruine en eau».
Mieux gérer l’eau, c’est possible et devient une urgence, et c’est bien pour cela qu’une stratégie est mise en place pour limiter, d’ici à 2030, une consommation de 300 l/jour/touriste/lit occupé.
Comment réduire la consommation en eau du tourisme?
Il convient de savoir qu’aujourd’hui 36% des structures touristiques utilisent les forages et que l’utilisation des eaux épurées restent limitées. On estime à 17% le taux moyen des pertes en eau à cause des robinetteries vieilles, des fuites, etc. Au niveau des piscines, seuls 13% utilisent de l’eau potable contre 73% des eaux provenant des techniques d’irrigation traditionnelles.
Les actions à mettre en place sont nombreuses et les innovations techniques sont disponibles à cet effet. Reste à mettre en place la réglementation nécessaire pour inciter de façon rigoureuse ou obliger par la loi les structures touristiques à mettre en place une politique de gestion des eaux le plus rapidement possible. D’autant plus que les factures en eau qu’ils payent sont parmi les plus élevées du marché.
La Tunisie, une vraie école de l’eau
Dans une brillante présentation au cours du séminaire «Tourisme et eau» qui s’est tenu à Tozeur à l’occasion de la Journée mondiale du tourisme, Mehdi Chapoteau a parlé du génie tunisien concernant l’eau en prenant pour exemple l’île de Djerba; une île qui a peu d’eau, peu de précipitations et où une nappe saumâtre a pu, au fil des ans, devenir autonome en eau.
En 1967, Djerba recevait 1.000.000 m3 d’eau via les citernes et se contentait des eaux récoltées via les systèmes de captage et de stockage des eaux pluviales. En 1966, l’eau est apportée du continent via 150 kilomètres de route, et la SONEDE comble 50% de l’île dans les années 80, 95% dans les années 2000 et 100% aujourd’hui.
Désormais Djerba a sa première usine de traitement d’eau saumâtre qui lui fournit 20.000 m3/j, un autre projet d’usine de dessalement est en train d’être finalisé avec la KFW (Banque de développement allemande) pour résoudre ses problèmes jusqu’en 2030. Et voilà comment l’innovation technologique et la planification ont eu raison de Djerba en moins de 50 ans! Reste à préciser que l’île des Lotophages affiche une consommation moyenne par touriste supérieur au reste du continent avec 750 lites/nuitée.