La confiance devient en ces temps-ci rare, beaucoup trop rare pour pouvoir mener à bon port la transition démocratique que vit la Tunisie, à moins d’un miracle… Et encore !
«Les gens ont perdu confiance dans le gouvernement, dans l’ANC, dans la transition… La confiance n’existe pas au sein des partis politiques pour qu’ils soient en mesure de les insuffler aux citoyens… On nous a usurpés le rêve pour lequel nous avons voté un certain 23 octobre. Nous sommes au devant d’une crise sans précédent avec une Constituante qui s’est transformée en Parlement. La Tunisie peut se targuer d’avoir le seul Parlement au monde à n’avoir pas de limites dans le temps et à évoluer sans limites de ses prérogatives et sans contrôle!… En gros, l’ANC est devenu un monstre qui conduit la Tunisie vers une dictature, et quelle dictature!»
C’est en ces propos acerbes et douloureux qu’Iyadh Ben Achour qualifie la situation actuelle que vit la Tunisie. Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA, à l’ouverture du dialogue national, a appelé au retour de la confiance.
Mais celle-ci peut-elle revenir en cliquant les doigts? Cette crise que vit la Tunisie s’amenuisera-t-elle avec le début du dialogue National? Sommes-nous en mesure de nous demander, au vu du retard, le jour J et le refus de signer la feuille de route par certains partis politiques que celui-ci va pouvoir absorber les tensions qui traversent la scène tunisienne et accélèrent le désenchantement des populations?
A quelques jours du 23 octobre, l’ANC est orpheline. Son échec le plus cuisant est cette cérémonie d’ouverture du Dialogue national en dehors de son enceinte. Elle qui devait être le réceptacle de toutes les ambitions a offert un spectacle lamentable de petits calculs d’épiciers, d’usurpations de pouvoirs, de détournements des objectifs de la révolution, du non respect des engagements. Elle a réussi à dégoûter les Tunisiens qui sont déçus de son exercice autant que de la politique.
L’intervention de la Société civile, à travers la centrale ouvrière et patronale principalement, est vitale au pays et ravivant autant que faire se peut à la transition.
La confiance, qui s’est tarie depuis des mois, est devenue une ressource encore plus rare au vu de l’actualité, notamment des dernières révélations concernant les responsabilités du gouvernement et du parti Ennahdha qui le dirige dans les assassinats politiques de Chokri Belaid et Hadj Brahmi.
S’il est vrai qu’en démocratie la confiance et plus généralement la légitimité sont requises pour qu’un gouvernement puisse conserver le pouvoir, que se passe-t-il quand un Parlement censé être une Constituante devient la source du manque de légitimité et d’égalité? Que se passe-t-il quand la Constituante, qui est le cœur même de la reconstruction, dévie de son processus et sert défiances, incompétences, mauvaises foi et usurpations?
La confiance est une construction sociale au cœur de la démocratie, constitutive de l’espace public et du «monde vécu». Comme croyance, elle participe du lien social et doit être partagée. Reste donc à définir en quel monde croyons-nous ensemble, quel monde voulons-nous et pouvons-nous construire ensemble?
Et c’est précisément là où le bas blesse. Le malaise tient, selon M. Horchani de l’Association tunisienne de Droit constitutionnel (ATDC) au fait que nous sommes en présence d’un «parti à caractère religieux qui n’a pas pu convaincre tout le monde qu’il ne veut pas changer les caractéristiques de la société; d’où l’absence de confiance».
La confiance peut-elle revenir? Sans doute, il lui faudra du temps, de l’engagement et de l’argent. La confiance politique, sociale, économique est le seul moteur capable de relancer la machine Tunisie et faire en sorte que le pays ne sombre pas plus. La confiance s’arrache, se gagne, se mesure, se teste… Mais cela la classe politique autant que le peuple Tunisie ne le savent que trop bien ! Les uns pour l’avoir donné un peu trop longtemps et avoir été usurpé, et les autres pour ne pas avoir su la garder suffisamment pour s’en révéler suffisamment dignes!