Du foie gras (Photo : Olivier Laban-Mattei) |
[07/10/2013 15:59:14] Paris (AFP) Le groupe de e-commerce Amazon vient d’interdire la vente de foie gras sur son site britannique. Si l’impact économique est limité, la décision stigmatise une filière qui cherche à conquérir de nouveaux marchés à l’étranger.
Depuis lundi, un avis précisant les conditions de vente sur le site Amazon.co.uk prévient les internautes: “Des morceaux ou produits à base de baleine, dauphin, requin, éléphant dont l’ivoire (…) sont interdits tout comme les produits contenant du foie gras”.
L’importation reste cependant légale au Royaume-Uni, y compris sur les autres sites de vente en ligne.
Du côté des producteurs, on prend l’affaire avec philosophie: “Economiquement, c’est un non événement”, assure à l’AFP Marie-Pierre Pé, directrice générale du comité interprofessionnel (Cifog). “C’est un peu comme si Amazon France interdisait la vente du pudding en ligne”…
Mais le foie gras passe de plus en plus mal outre-Manche où l’on ne plaisante pas avec le bien-être animal – ce qui restreint, par exemple, l’importation de cochons européens au seul Danemark pour satisfaire aux normes en la matière.
Fin 2012, la Chambre des Lords avait officiellement retiré le foie gras de ses menus de gala à la suite de plaintes émanant de défenseurs des animaux.
Ceux-ci se sont bien sûr réjouis de la position d’Amazon, liée semble-t-il aux vidéos d’associations militantes montrant le gavage des oies et canards, pratique relevant, estiment-elles, de la cruauté envers les animaux. Viva! indique ainsi avoir présenté à Amazon des “preuves des souffrances abjectes causées par cette production et une pétition signée par 10.000 clients d’Amazon et soutiens de Viva!”.
Gare à l’anthropomorphisme
accueil du site de e-commerce Amazon (Photo : Nicholas Kamm) |
Interrogée, Marie-Pierre Pé fait valoir un certain nombre de points techniques ayant trait à la morphologie des canards (94% des foies gras français, 6% pour l’oie). “Il ne faut pas penser que le canard est constitué comme un humain: son oesophage est élastique, quand le nôtre est constitué de cartilage”, explique-t-elle. “L’erreur serait de faire de l’anthropomorphisme”.
“Un animal qui souffrirait ne pourrait pas offrir de bons produits car la souffrance libère des toxines qui le rendraient impropre à la consommation humaine”, poursuit-elle en affirmant que “90% de la vie de l’animal se déroule en extérieur. L’engraissement ne représente qu’une dizaine de jours en fin de vie.”
De son côté, le ministre délégué à l’Agroalimentaire Guillaume Garot “regrette cette décision d’Amazon” alors que “les producteurs français ont fait des efforts depuis des années pour maintenir une vraie qualité de produit en respectant le bien-être animal”.
Joint par l’AFP, ce ministre “VRP” des productions et de la gastronomie hexagonales se rend régulièrement à l’étranger en quête de nouveaux marchés, notamment pour le foie gras.
Il a réussi l’hiver dernier, ouvrant les étals russes dès les fêtes de Noël, ainsi que ceux du Japon et compte bien réitérer prochainement en Corée.
La Californie, elle, reste inflexible: une loi, votée en 2004 mais effective depuis juillet 2012, prohibe la production et la vente de foie gras dans cet Etat américain. Et ce choix local a été confirmé fin août par un tribunal fédéral. Un restaurant californien qui servirait du foie gras peut écoper d’une amende de 1.000 dollars.
“Je reste confiant”, assure néanmoins M. Garot. “Si nous faisons de la pédagogie sur les conditions de production et mettons en valeur les efforts des producteurs”.
La France a obtenu en 2012 un délai de grâce de cinq ans, jusqu’au 1er janvier 2016, pour aménager ses cages de gavage aux normes européennes, afin de garantir un meilleur espace aux canards et notamment la possibilité d’interagir avec leurs congénères.
L’enjeu est de taille pour la filière, remarque Guillaume Garot. Le foie gras représente 35.000 emplois directs et 60.000 emplois indirects, avec la commercialisation et les filières artisanales.