L’Etat n’existait pas avant que n’y atterrisse Ilyès Fakhfakh, virtuose des finances. Il a récemment clamé sur Mosaïque Fm : «Nous sommes en train de construire de l’Etat».
Monsieur le ministre des Finances pense édifier un Etat -comme si la Tunisie n’en avait jamais eu- alors que l’économie est en récession, que le principe même de la compensation est en train d’être revu et corrigé, que nous risquons de tomber dans la politique de “bon de rationnement“ -comme c’était dans les pays du bloc soviétique-, que la classe moyenne tunisienne, qui était de 84% en 1984, a dégringolé à 54% cette année, et que le seuil de pauvreté est aujourd’hui atteint dès lors que le salaire ne dépasse pas les 763 dinars. C’est dire que des centaines de milliers de fonctionnaires sont d’ores et déjà classés «pauvres».
Il y a quelques mois, le virtuose de la gestion et du management, Ilyès Fakhfakh, déclarait à l’Assemblée constituante que «le recours à l’endettement est la seule solution pour réduire le déficit budgétaire. Cette mesure nous permettra également d’éviter une baisse des réserves officielles et par conséquent les consignes du FMI qui nous imposerait la réduction de 20% du salaire des fonctionnaires». Des réductions que le FMI n’aurait même pas envisagées si l’Administration tunisienne ne s’était pas encombrée de recrutements directs pour satisfaire les amnistiés et assurer les postes clés aux partisans d’Ennahdha faisait fi des règles élémentaires de bonne gestion.
Pour les véritables économistes habitués à la gestion des fonds publics, la découverte du ministre des Finances, à savoir qu’un déficit budgétaire peut être financé par l’endettement, serait la plus belle des découvertes: «la police n’aurait pas pu dire mieux. Ce que monsieur le ministre doit pourtant savoir, et on ne peut pas le lui reprocher, compte tenu de son profil, est que le rôle premier d’un ministre des Finances est de maîtriser les déficits et de veiller, si déficit existe, à faire en sorte qu’il soit financé de la façon la moins coûteuse pour la collectivité.
Ce que le ministre doit également savoir est qu’il y a déficit et déficit. Il y a le déficit générateur de croissance quand les dépenses de l’Etat sont bien allouées et bien réparties dans les règles d’une gouvernance réelle. Et c’est loin d’être le cas en Tunisie de nos jours. Et il y a le déficit destructeur de valeurs et qui hypothèque l’avenir du pays quand il trouve ses origines dans des augmentations de salaires sans contrepartie productive ou dans des recrutements inutiles».
Et ces économistes d’ajouter: «lorsque vous avez un sureffectif dans l’Administration comme c’est le cas actuellement en Tunisie, le déficit budgétaire dépassera de loin celui annoncé puisqu’il atteindra les 9% du PIB au moins et c’est un record historique». Le déficit budgétaire n’a pas dépassé 1% en 2010. La dette publique de la Tunisie atteindra les 50% cette année et aurait augmenté de 10 points de PIB depuis 2010.
Et ce n’était l’assainissement fait des finances publiques avant 2010 qui a permis de contenir la dette à 40% le pays sera peut être aujourd’hui à 58 ou 60% et tout recours à des financements supplémentaires aurait été impossible.
Mais que peut-on demander à un ministre qui a osé débiter des lapalissades du type “un déficit peut être financé que par la dette“. «Il est d’autant plus vrai que nous avons été habitués en Tunisie à avoir des ministres des Finances anciens de l’ENA, autrement plus compétents et fins connaisseurs des budgets. Mais là , il s’agit quand même des abc de la finance publique. «Pour Ilyès Fakhfakh qui s’est également exprimé récemment sur Mosaïque FM –il s’exprime beaucoup», plus que le déficit commercial, le déficit du budget de l’Etat a dépassé les 7%, il compte par conséquent diminuer les dépenses de l’Etat en contrôlant l’évolution des salaires.
Par quels mécanismes, s’il n y a pas de création de richesses et si grâce à sa brillantissime idée d’imposer des taxations aux entreprises offshore, nous risquons de perdre plus d’emplois et des chances d’en créer? Le ministre des Finances, trouvera des réponses encours de route, lui qui s’est donné également pour rôle de «reconstruire l’Etat». Un Etat qui existait avec ses administrations du temps des beys et de l’occupation française avant d’être renforcé après l’indépendance. Mais passons, les Tunisiens sont passés maîtres dans le gommage de l’histoire.
Conséquence: alors que la Tunisie a plus que tout besoin de constructeurs et de visionnaires, nous nous retrouvons presque devant des gestionnaires au jour le jour à tel point que la centrale patronale, suite à la dernière réunion de son dernier Bureau exécutif, a déploré l’absence d’une vision claire pour les investisseurs, ainsi que l’impact négatif de cette situation sur l’investissement et l’emploi, et a condamné les orientations générales du projet du budget de l’Etat qui portent sur une taxation supplémentaire des entreprises transparentes comme moyen pour améliorer les ressources du budget de l’Etat, sans prendre aucune mesure pour lutter contre le commerce anarchique et l’économie informelle.
Le BE de l’UTICA ajoute que ce projet aura un impact néfaste sur certains secteurs d’activité, tels que la promotion immobilière, les services informatiques et les grandes surfaces…
Mais il ne faut surtout pas s’inquiéter, après la «destruction-construction de l’Etat» entamée d’ores et déjà par les grands spécialistes de la Troïka, chacun trouvera son compte, y compris les contrebandiers, les trafiquants du commerce et finance parallèles et, pourquoi pas, même les trafiquants d’armes et de fausses monnaies, qui font légion de nos jours dans notre pays.