Tunisie – Economie : Mégaprojets, effet d’annonce ou concrétisation effective?

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La signature récemment par le gouvernement Larayedh de 3 mémorandums d’entente (MOU) («Memorandum of Understanding») pour engager les négociations à propos de certains Mégaprojets ne serait-elle que pure gesticulation? Le rythme du processus décisionnel dont la lenteur ne fait aucun doute permettrait-il d’esquisser, ne serait-ce que les contours d’un seul accord pour la réalisation effective d’un projet? Et puis, osons quand même reconnaître que tous les mégaprojets discutés aujourd’hui traînent depuis des années. «C’est du réchauffé», clame un expert international auprès des Nations unies.

Il n’empêche, le gouvernement Larayedh croit, lui, dur comme fer, en la concrétisation prochaine et effective de ces projets. Pour le chef du gouvernement et son équipe, la signature des MOU est en elle-même un heureux présage pour déclencher le processus de dynamisation économique mis en berne depuis plus de deux années.

Parmi les 5 mégaprojets soumis à la Haute Commission sise au Premier ministère, 3 ont été retenus, les autres restent à l’étude.

L’un des plus importants serait celui d’une ville-santé dans la région Alkhbayat (gouvernorat de Gabès), située à 42 km de la ville elle-même et à 20 km de l’aéroport international Gabès. Le projet entre dans le cadre du développement des régions intérieures et l’exploitation de leurs ressources naturelles (eaux minérales chaudes).

Le projet, qui s’étendra sur 240 hectares, prévoit l’édification d’une station thermale et comprendra également la construction d’une clinique, d’un terrain de golf et d’unités hôtelières.

Quant aux opérateurs, ils sont autrichiens, et l’investissement s’élève à 700 MDT. La durée de réalisation du projet est estimée à 5 ans, il pourvoirait la zone de 1.000 emplois directs et de 3.200 indirects.

Reste qu’une ville-santé se définit essentiellement dans un processus de démarche partenariale et participative. Le contexte local est à prendre en compte, tout comme les acteurs locaux doivent y être associés. Nos décideurs publics y ont-ils pensé et les investisseurs autrichiens? Y aurait-il des partenaires tunisiens? La question mérite d’être posée.

Un hangar pour la maintenance des avions à Tozeur

Le deuxième projet est la construction d’un grand hangar à Tozeur pour la maintenance et l’entreposage temporaire des avions de ligne. Le principal avantage de ce projet serait la création d’emplois –même si peu nombreux- pour les diplômés du supérieur spécialisés dans l’ingénierie aéronautique ainsi que de techniciens supérieurs dont la mission serait d’assurer l’entretien et le contrôle périodique des avions.

Pour les initiateurs du projet, le cadre de Tozeur est idéal dans le sens où ils peuvent profiter de l’espace (au démarrage, 30 hectares) pour atteindre les 150 hectares après 5 ans. Le projet est à 100% tunisien. Initié par un opérateur privé et un pilote de ligne consultant dans le domaine de l’aviation, le projet démarrera avec 10 MDT d’investissement pour atteindre les 65 MDT dans 5 ans.

Le troisième et dernier projet approuvé par la Haute commission des mégaprojets au PM est la création d’un centre immobilier, universitaire et touristique haut de gamme dans le gouvernorat de l’Ariana. C’est le groupe DUET composé d’investisseurs américains et d’autres en provenance des pays du Golfe qui en assurera la réalisation.

Le projet, qui s’étend sur 250 hectares, comprendra une ville universitaire qui pourrait accueillir 4.000 étudiants, un terrain de cricket, 200.000 m2 de bureaux destinés aux multinationales et entreprises offshore opérant dans les secteurs des télécommunications et des hautes technologies de l’information dans le cadre du projet «Smart Tunisia» ainsi qu’une ville touristique et un centre résidentiel haut de gamme.

Pour encourager les entreprises à s’y installer, un fonds d’investissement de l’ordre de 500 MDT a été mis en place en tant que lignes de financement. Le montant total prévu pour la réalisation de ce complexe intégré est de l’ordre de 2 milliards de dinars. Le nombre d’emplois à créer n’a apparemment pas été cité mais l’on peut envisager des milliers de postes d’emplois si ce projet venait à être concrétisé. Car, rappelons-le tout de même, qu’il ne s’agit que de MOU et que pour ce projet là, on ne parle pas non plus de partenaires tunisiens…

Les projets qui n’ont pas été retenus par la Haute commission des mégaprojets sont l’aménagement d’un pôle de compétitivité pour la maintenance et l’entretien des yachts de grande taille à Tabarka ainsi qu’une centrale pour la production de l’énergie solaire concentré (CSP: Concentrated Solar Power) dans la zone de Kébili. Les initiateurs du projet sont les sociétés tunisienne Topoil Services et britannique «Nur Energie». Leurs handicaps principaux seraient d’ordre environnemental et réglementaire.

Reste que les mégaprojets n’ont pas que des adeptes en Tunisie, nombreux sont ceux qui contestent leur utilité dans un petit pays qui a plus besoin d’encourager la création de PME/PMI. Les grands projets, estiment leurs détracteurs, pourraient nuire à son environnement sans oublier les schémas financiers qui pourraient ne pas répondre aux exigences de transparence et de gouvernance réclamées désormais, surtout depuis le 14 janvier, par l’ensemble des Tunisiens.

Les gouvernements actuels réussiront-ils là où leurs prédécesseurs ont failli? Attendons voir, tout en rappelant de nouveau qu’il ne s’agit que de MOU qui pourraient être remis en cause à chaque moment.

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