Toujours pas de réponse à la lettre ouverte de la SFBT, mais un vague démenti. Bizarre ce silence radio du gouvernement. Si pas de Com’ officielle, c’est-à-dire pas de stratégie économique? Divine surprise!
La direction générale du plus grand brasseur et limonadier de Tunisie, fleuron de l’industrie alimentaire, vedette de la Bourse de Tunis, a réagi à propos d’une taxe supplémentaire, dans le projet de budget de 2014, pour un supplément fiscal de 100 millimes par bouteille de bière.
La SFBT a laissé décapsuler sa colère en publiant une lettre ouverte au gouvernement et à l’ANC, placardée dans de nombreux journaux de la place. Elle démontait le principe de la taxe et son bien-fondé. Dans le même temps elle assénait une leçon magistrale en matière de gouvernance économique. Et, dans la foulée, elle monte au filet pour prendre la défense des chefs d’entreprise et plaider la cause des consommateurs et notamment les plus démunis.
Un acte de bravoure managériale et de courage moral. Et tout cela en prenant l’opinion publique à témoin. Sacré coup de chien qui n’en finit pas de retentir.
Le timide démenti de la bouche du ministre des Finances, comparativement à l’écho de l’initiative de la SFBT, est à peine audible. En tout cas, il ne saurait constituer une réponse convaincante au reproche de carence en matière de gouvernance économique.
Pourquoi tout ce ramdam pour une simple pièce de 100 millimes?
La SFBT refuse de passer à la caisse…
La SFBT précise dans sa lettre qu’elle paie à l’Etat 730 millimes sur chaque bouteille de bière. Cela représente 290% du prix HT. Ce qui veut dire que près des ¾ du prix de la bouteille vont dans les caisses de l’Etat.
La SFBT pense que la bière est discriminée par rapport aux autres boissons alcoolisées. Ces dernières sont proportionnellement moins taxées, compte tenu du différentiel de teneur en alcool. La bière contient à peine 4,5% d’alcool alors que les liqueurs titrent 45% et sont tout juste taxées à 395%. L’écart est d’à peine 105%. La bière est lésée.
Dans le passé, l’augmentation des taxes, selon la lettre, favorisait le vin et les liqueurs, au détriment de la bière. La dernière augmentation, précise la lettre, a fait chuter de 28% la consommation de bière dans les brasseries, hôtels, restaurants, et autres lieux touristiques.
Le projet de taxe supplémentaire de 100 millimes a scandalisé la direction générale de la SFBT. Il pourrait faire chuter encore ses ventes. L’Etat, en bout de course, s’auto-pénaliserait car il percevrait moins de recettes si les ventes reculaient.
Au-delà de ce faux calcul, la lettre met à l’index les pratiques budgétaires qu’elle trouve obsolètes. Elle ne comprend pas les raisons de cette charge supplémentaire et elle en démonte tout l’argumentaire et, par delà, s’en va faire la leçon aux pouvoirs publics et à l’ANC en matière de gouvernance économique.
In birra veritas!
Dans sa lettre, la SFBT dit que la taxe projetée de 100 millimes est appelée à rattraper la subvention servie sur le prix du sucre, lequel entre dans la fabrication de la bière. Or il se trouve que la bouteille de bière ne contient que 8,2 millimes de sucre, soit le 1/12ème de l’augmentation projeté. Ajouter que certaines variétés de bière n’en contiennent point.
Par ailleurs, on peut lire dans la lettre que l’OCT –Office de commerce de la Tunisie) facture le sucre à son coût à l’importation. La Caisse compenserait donc les frais de structure de l’Office. Amère démonstration!
Leçon de gouvernance…
Montant au filet, la direction générale de la société dit que “s’il s’agit d’alléger la compensation du sucre, la solution n’est pas de taxer la bière mais de permettre aux industriels d’importer du sucre directement et d’en supporter le coût“. Elle laisse entendre, de la sorte, que les industriels sauront l’imputer dans leur prix dans la proportion qu’autorisera l’élasticité du produit.
Cette proposition sonne comme un défi jeté au gouvernement pour jouer le jeu de la vérité des prix. Et, c’est le B.a.-ba de la gouvernance en économie de marché. Le cri du cœur de la DG de la SFBT est en phase avec les attentes des chefs d’entreprise.
La révolution nous mettait sur la voie d’un nouveau modèle économique. Il nous faut donc laisser de côté les vieilles recettes. Dans cette perspective, la lettre rappelle bien que “pour trouver de nouvelles ressources budgétaires, il faut sortir des sentiers battus et faire preuve de plus d’imagination permettant de ne pas fragiliser davantage le tissu économique“. Voilà le mal! La politique actuelle augmente la vulnérabilité des entreprises par une fiscalité décalée.
Dans cet ordre d’idées, on peut également citer l’impuissance à juguler la contrebande qui mine la santé des entreprises. Cette lettre est un cri d’alarme. C’est un véritable détonateur pour une refondation de la politique économique qui “manquerait d’imagination“ à l’heure actuelle. Le pays a besoin d’un deuxième souffle qui ne vient toujours pas, laisse sous- entendre la lettre.
Bouteille de bière, bouteille à la mer. A bon entendeur!