L’agroalimentaire breton a des atouts pour rebondir, malgré la tourmente

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és de Gad manifestent le 18 octobre 2013 à Rennes (Photo : Fred Tanneau)

[19/10/2013 10:25:51] Rennes (AFP) Après une vague de restructurations, de fermetures de sites et d’abandon d’activités, la filière agroalimentaire bretonne se trouve plongée dans la tourmente, mais avec sa main d??uvre compétente, son terroir et ses investissements, le secteur possède des atouts pour rebondir.

“Je suis optimiste”, affirme Gérard Laloi, président de la commission alimentation à la SAF-agriculteurs de France, un centre de réflexion indépendant. “Il y a des tas de raisons d?espérer”, renchérit Jean-Luc Perrot, directeur de Valorial, le pôle de compétitivité breton dédié à l’agroalimentaire.

Les derniers mois ont été marqués en Bretagne par une litanie de mauvaises nouvelles, suscitant la colère et le désespoir de milliers de salariés: restructuration chez le volailler Doux, avec la suppression de 1.000 emplois, réduction de la production chez son concurrent Tilly-Sabco, fermeture de deux usines par le N° 1 du saumon fumé, le norvégien Marine Harvest, touchant 400 emplois.

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éroport de Brest (Photo : Fred Tanneau)

Dernier séisme: la fermeture par le groupe Gad d’un de ses abattoirs, dans le nord-Finistère, accompagnée du licenciement de près de 900 personnes.

Développées selon une logique industrielle à partir des années 60, les filières porcs et volailles se sont construites sur des produits à faible valeur ajoutée. Elles se sont trouvées confrontées à “l’ouverture économique du marché alimentaire au marché mondial”, explique Jean-Luc Perrot.

Conséquence: les abattoirs subissent de plein fouet la concurrence allemande notamment, à faible coût de main d??uvre. Quant à Doux et Tilly-Sabco, principaux exportateurs de volailles en Europe, ils font face à la fin des restitutions européennes, qui les aidaient à exporter en restant compétitifs face aux poulets brésiliens entre autres.

L’agroalimentaire breton “industriel”, productiviste, frappé ou menacé par des plans sociaux et contesté par les défenseurs de l’environnement, se trouveface à un défi, estiment des experts interrogés par l’AFP.

“On a besoin de reconstruire une industrie agroalimentaire mieux positionnée, avec des produits transformés à plus grande valeur ajoutée, moins gourmande en énergie, plus raisonnée”, analyse Romain Pasquier, directeur de recherches au CNRS.

Nourrir 9 milliards d’humains

Le défi pour cette région, où sont élevés plus de 50% des porcs français, “c’est de garder une économie de production, mais qui monte en gamme”, ajoute-t-il.

Cette analyse est partagée par Gérard Laloi: “Le problème, c’est de donner de la valeur ajoutée à nos produits, leur donner une qualité spécifique, garantie par une marque, et reconnue par le consommateur au niveau national et international”, pointe-t-il.

“Est-ce que l’agroalimentaire a le potentiel pour se développer et exporter?” demande-t-il. “Oui, si on s?appuie sur le terroir — et notre terroir c’est l’élevage, le lait, les céréales, la mer — et le savoir-faire”, répond-il.

Tous les experts estiment que les compétences sont présentes en Bretagne.

Jean-Luc Perrot croit aussi au rebond de la filière agroalimentaire.

D’abord, justifie-t-il, parce que “le métier des produits alimentaires est universel et éternel”, dit-il. “Ce serait un malheur si on n’arrivait pas à nourrir des bouches sur les 9 milliards” prévues dans le monde en 2050, commente-t-il.

Ensuite, parce qu’à côté des secteurs en difficulté, “il y en a plein d’autres, en plein développement”, qui investissent, cherchent des nouveaux marchés, veulent exporter. Et Jean-Luc Perrot de citer “les produits traiteurs, les ingrédients, la charcuterie-salaison, la boulangerie-viennoiserie, et même dans les secteurs de la volaille”.

Ces investissements représentent “400 à 500 millions d’euros par an dans les investissements matériels et pratiquement autant dans les investissements immatériels”, dont la recherche et le développement, ajoute-t-il. “C’est notre économie dans quatre ou cinq ans”, qui se construit, dit-il.

Pour sortir de la crise, Romain Pasquier développe un argument politique: “Il faut expérimenter en Bretagne une régionalisation de la politique agricole, donner aux acteurs bretons les moyens d’assumer la transition” dans laquelle est engagé le secteur agroalimentaire.

Cette transition, “ne se fera pas à distance, dans le cabinet du Premier ministre”, dit-il, ajoutant qu’une régionalisation de la Politique agricole commune serait aussi d’actualité.