Drones : l’industrie méfiante envers l’initiative de Bruxelles

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Un drone MQ-9 Reaper (Photo : Ethan Miller)

[19/10/2013 10:37:50] Paris (AFP) D’une industrie aéronautique qui réclame un programme européen de drone de surveillance, on aurait pu attendre qu’elle se réjouisse de voir l’Union européenne en faire une priorité, mais elle reste au contraire sceptique.

Le chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton a identifié quatre secteurs prioritaires, dont les drones de surveillance MALE (moyenne altitude longue endurance), devenus indispensables aux opérations militaires, et la cyber-défense, pour renforcer la défense européenne.

Son rapport, rendu public mardi, vise à permettre aux chefs d’Etat et de gouvernement de “promouvoir une approche européenne pour développer cette capacité clé” à l’horizon 2020, lors du sommet européen de la défense les 19 et 20 décembre.

Il a été accueilli avec un silence poli par les industriels.

En privé les avionneurs européens ne cachent pas qu’ils n’attendent pas grand chose de ce sommet à 28, tellement les précédents programmes européens leur ont laissé un goût amer.

Les spécifications différentes des armées européennes ont ainsi obligé Eurocopter et ses partenaires à multiplier les versions des hélicoptères de combat Tigre et de transport NH-90, faisant exploser les coûts.

L’avion de combat Eurofighter est assemblé parallèlement en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne et en Italie, sans aucune logique économique.

Le nouvel avion de transport militaire A400M, dont le premier exemplaire a été livré cet été, a coûté une fortune à son constructeur Airbus. Les Etats cherchant à revenir sur leurs commandes, il n’est pas près de rentrer dans ses frais.

“Entre nous, ils disent +plus jamais ça+”, a confié un dirigeant d’un avionneur européen sous le couvert de l’anonymat.

La perspective que la Commission européenne se fasse le moteur d’un programme de drones de surveillance donne froid dans le dos à un autre industriel. Il évoque les déboires du programme de satellites de géolocalisation Galileo, géré par l’Union européenne, et qui a accumulé des années de retard.

Commande conjointe

Ce que veulent les avionneurs, c’est une commande conjointe de trois ou quatre grands pays, comme la France, l’Allemagne et l’Italie.

Le français Dassault Aviation, l’européen EADS et l’italien Finmeccanica ont proposé en juillet de s’associer pour développer un drone MALE si les gouvernements le leur commandait.

Mais les Etats concernés font la sourde oreille, d’autant que leurs coffres sont vides.

Après avoir hésité pendant des années, ils ont fini les uns après les autres par commander des drones américains Reaper. La France doit recevoir ses deux premiers avant la fin de l’année pour ses opérations au Mali.

Les avionneurs ne renoncent pas. Pour eux, un programme de drone de surveillance offre la seule perspective d’occuper les bureaux d’étude, de conserver la maîtrise des technologies de transmission de données, et d’enthousiasmer de jeunes ingénieurs. Ils en attendent aussi à terme des retombées pour l’aviation civile.

“Nous nous démenons comme de beaux diables pour ça”, a déclaré Bernhard Gerwert, le patron de la nouvelle division Défense et Espace du groupe EADS, prochainement groupe Airbus, lors d’un colloque organisé cette semaine à Paris par le magazine The Economist.

“Ce dont nous avons besoin, a-t-il martelé, ce sont des réglementations européennes communes, des certifications communes et des spécifications communes”.

“Si vous voulez faire voler un drone militaire dans l’espace aérien européen, il vous faut des réglementations communes”, a-t-il expliqué. Aujourd’hui aucun drone militaire n’est autorisé à voler en Europe et c’est pour cette raison, officiellement, que l’Allemagne a renoncé cette année à un coûteux drone de surveillance à haute altitude, le Euro-Hawk.

Autre exemple édifiant, EADS a mis quatre ans, trois de plus que prévu, à adapter et faire certifier un France un drone de fabrication israélienne, a raconté Bernhard Gerwert, “Nous l’avons ensuite proposé à l’Allemagne en disant, +utilisons la certification que nous avons obtenue en France+. L’Allemagne a dit non, +nous avons nos propres règles+, et exigé de reprendre l’exercice à zéro”.

“On ne peut pas continuer comme ça”, a conclu le patron allemand.