Les sondages sur les intentions de vote des Tunisiens aux prochaines législatives et présidentielle se succèdent et ne se ressemblent pas. Mais, depuis quelque temps, plus exactement depuis l’assassinat du leader Chokri Belaid, ces sondages, aux révélations parfois controversées, sont d’accord pour esquisser les grandes lignes de la future configuration du paysage politique en Tunisie.
Le baromètre politique, publié en ce mois d’octobre par Sigma Conseil, a confirmé, selon son directeur général, Hassen Zargouni, «une stabilisation du paysage politique tunisien».
Au plan des forces politiques en place, ces sondages ont révélé que la Tunisie compte, désormais, deux grands partis -Nidaa Tounès (centriste) et Ennahdha (conservateur)- et un parti de gauche de taille moyenne -le Front populaire.
A titre indicatif, le baromètre de Sigma Conseil crédite Nidaa Tounès de 21,4% de taux d’intentions de vote sur le corps électoral, soit 42,5% des personnes qui se sont exprimées, suivi d’Ennahdha avec 15,7% (31,2%), le Front Populaire avec 6% (11,9%) et le reste des partis avec 15%.
Premier enseignement: si jamais les élections avaient lieu en ce mois d’octobre 2013, les petits partis, particulièrement les partis qui veulent faire cavalier seul (Al Joumhouri, Courant El Mahabba…) n’auraient aucune chance de se faire représenter au Parlement.
Moralité: si on croit les sondages, l’heure est à l’union des forces aux alliances et à la discipline électorale.
Quant à la qualité des partis, Nidaa Tounès présente l’avantage d’avoir persuadé, depuis deux ans de sa création, une grande partie des Tunisiens de la justesse de ses vues. Ce parti, un véritable bric à brac de Tunisiens qui aspirent, tout juste comme le disait Hassen Zargouni «à voter utile» pour éviter la déconfiture de l’électorat de l’opposition laïque, lors des élections du 23 octobre 2011, et à équilibrer le paysage politique. Sa force réside dans sa capacité d’avoir mobilisé les générations de Bourguiba autour d’un projet de sauvetage de leur mode de société, tandis que son talon d’Achille porte sur la disparité et la mosaïque des factions politiques qui le composent.
Ennahdha encore solide…
Le parti Ennahdha demeure, au regard des sondages, une composante incontournable en dépit de sa chute relative dans les sondages. Les nahdhaouis, avec 31,2% des votes exprimés (baromètre de Sigma Conseil), sont certes loin des 38% des votes exprimés le 23 octobre 2011, mais ils restent un corps solide, et surtout discipliné.
Le Front populaire, qui a donné le plus grand de martyrs en cette période de transition (meurtre de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi), est manifestement la force politique montante. Ce parti a su “capitaliser“ sur ces assassinats politiques et gagner la sympathie des Tunisiens à travers la mobilisation, à maintes reprises de la rue, et surtout à travers son alliance stratégique avec Nidaa Tounès et des autres partis centristes dans le cadre du Salut national.
Les leaders de ce parti ont certes beaucoup appris des thèses pacifiques du Ghandi du Front, en l’occurrence le défunt Chokri Belaïd. Ils ont beaucoup gagné en popularité en abandonnant leurs approches socialistes dogmatiques et en défendant une économie de marché aux couleurs tunisiennes.
Taux d’abstention et clanisme…
Au rayon des aspects négatifs, ces sondages révèlent deux tares majeures: un taux d’abstention toujours très élevé et la résurgence du clanisme dans les intentions de vote.
Le récent baromètre de Sigma Conseil estime le taux des personnes en âge de voter et qui n’expriment pas leur choix à 49,6% contre 55% en août 2013. Le taux d’abstention pour la prochaine présidentielle est estimé à 57%. C’est pour dire qu’il existe encore une marge de manœuvre aux fins de courtiser ces abstentionnistes et d’être à l’écoute de leurs véritables préoccupations (cherté de la vie, emploi, accès à des soins de qualité, logement…).
Le même baromètre révèle que les intentions de vote sont motivées par des appartenances régionales et tribales. Ainsi, le centre-est et le nord-est du pays ont tendance à voter en majorité pour Nidaa Tounès, le nord-ouest pour le Front populaire, le sud-est pour les candidats nahdhaouis, le centre-ouest pour le Courant El Mahabba.
Conséquence: la Tunisie est toujours à la recherche d’un programme politique mobilisateur pour tous les Tunisiens et d’un homme politique charismatique, un nationaliste rassembleur.
A bon entendeur.