à Paris (Photo : Martin Bureau) |
[22/10/2013 18:01:00] PARIS (AFP) Les avocats de Denis-Gautier Sauvagnac et des principaux prévenus du procès de l’UIMM ont plaidé mardi leur relaxe estimant que, si l’affaire a alimenté les “fantasmes”, aucun délit ne peut être reproché aux dirigeants du puissant patronat de la métallurgie.
La justice s’interroge sur la destination de 16 millions d’euros retirés en liquide entre 2000 et 2007 d’une caisse d’entraide de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie.
Durant huit jours, dix cadres dirigeants de la fédération professionnelle ont comparu devant le tribunal correctionnel de Paris pour abus de confiance, travail dissimulé, destruction de preuves et recel ou complicité de ces délits.
Lundi, la procureure a requis deux ans de prison avec sursis et 250.000 euros d’amende contre M. Gautier-Sauvagnac, ex-patron de l’UIMM, de 6 à 8 mois avec sursis contre trois cadres et une amende de 150.000 euros contre l’organisation en tant que personne morale. Elle a en revanche demandé la relaxe des cinq autres prévenus.
Les avocats des dix prévenus ont réclamé mardi la relaxe de leurs clients.
Denis Gautier-Sauvagnac a pris la parole une dernière fois pour dire qu’il n’avait “jamais manqué à l’honneur”, jugeant “infamante” l’accusation qui le vise.
Après six ans de silence, l’ex-dirigeant patronal avait créé la surprise à l’audience en désignant les syndicats comme les destinataires des enveloppes d’argent liquide de l’UIMM.
“On dit que mon client s’est rendu coupable d’abus de confiance. Il y aurait donc un préjudice, une plainte, une partie civile qui viendrait dire: Gautier-Sauvagnac, rendez-nous l’argent! Or, j’entends dire que l’UIMM ne se plaint de rien. C’est une victime qui remercie son prédateur”, a plaidé Jean-Yves Leborgne, avocat de M. Gautier-Sauvagnac.
“On reproche à mon client d’avoir détourné de l’argent d’une caisse de solidarité. Mais l’Epim (caisse d’entraide) c’est une simple étiquette, c’est l’UIMM et l’UIMM fait ce qu’elle veut de son argent”, a-t-il lancé.
“Alors, le tribunal a-t-il un droit de savoir sur l’utilisation des fonds? Oui, s’il peut prouver qu’ils ont été utilisés de façon délictueuse. Mais là, faute d’avoir le nom des bénéficiaires, on se réfugie dans une présomption de culpabilité qu’on ne peut justifier”, a-t-il lancé au tribunal.
‘Lutte des classes’
Auparavant, l’avocat de l’UIMM, Jean Reinhart, avait expliqué qu’après “une étude du dossier, la fédération avait considéré qu’elle n’était pas victime parce qu’il n’y avait pas de délit”. “Il n’y a jamais eu de caisse noire”, a-t-il insisté.
“Alors, on nous reproche le silence sur les destinataires (des fonds). Il suscite les fantasmes, serait immoral mais ne constitue en rien une reconnaissance de culpabilité”, a-t-il plaidé.
“Mais, aurait-il été concevable qu’il n’y ait pas eu d’affaire de l’UIMM. A notre époque, on est riche à 3.000 euros et coupable au dessus. Alors, 16 millions d’euros et en espèce…”, a lancé Me Leborgne.
Pour l’avocat, l’UIMM serait en réalité accusée d’un “crime contre la transparence”.
“Parler d’un rapprochement financier entre patrons et syndicats, quel abomination”, a-t-il poursuivi. “Pour les damnés de la terre, apprendre que leur syndicat était financé par le patronat, je pense que leur Internationale se coincerait dans leur gorge”, a-t-il ironisé.
“Or, les syndicats n’avaient que 20% des fonds pour assumer leur budget. Alors, dit-il, pour les aider, l’UIMM leur a loué des stands, acheté des milliers de revues mais cela n’a pas suffit. Après, on se heurte à la tradition française de la lutte des classes”, a-t-il résumé.
“Or, il fallait bien que ces syndicats existent pour que le patronat puisse signer avec quelqu’un”, a insisté Me Leborgne. “Vous pouvez désapprouver ce qui s’est fait, mais c’est un jugement social, politique, historique qui n’a rien à voir avec des poursuites pénales.”
Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 10 février 2014.