Les élections de la Constituante de 2011 n’ont pas amélioré le quotidien des Tunisiens. La vie est de plus en plus chère, le chômage a grimpé, l’environnement est de plus en plus “sale“, l’accès au logement et aux soins de plus en plus en plus difficile, des maladies que l’on croyait disparues ou qui étaient rares ont fait un retour remarqué. La santé mentale a pris aussi un sacré coup: les consultations psychiatriques ont crû et les consommations de tranquillisants et les anxiolytiques avec.
«Certains, comme Moufida, attendent depuis 6h30. «Je n’ai pas dormi de la nuit. J’étais impatiente de venir voter, et l’émotion m’a empêchée de dormir». Derrière elle, Saloua est tout aussi enthousiaste et stressée. «C’est la première fois que je vote vraiment. Je me suis bien habillée pour montrer comme je suis fière aujourd’hui», explique-t-elle.
C’est en ces mots que le quotidien français en ligne 20minutes.fr attaquait, le 23 octobre 2011, un de ces reportages sur les élections des membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC).
Deux années, jour pour jour, après de ces élections, il serait utile de savoir si ces dernières ont été au niveau des attentes de Moufida et de Saloua. Ces deux compatriotes sont-elles contentes de l’épisode du 18 octobre 2013 lorsque les trois principaux responsables du pays (les tenants des «trois présidences») -le président de la République, le président du gouvernement et le président de l’ANC)- se font «dégager» d’une cérémonie pour honorer des martyrs tombés sous les balles de terroristes?
A force de jets de pierres…
Que l’on soit dans un camp ou dans l’autre, ces images sonnent comme un quasi effondrement de l’Etat. Le lendemain (19 octobre 2013), des manifestants tentent de «dégager» la ministre de la Femme, venue pour inaugurer un débat à Sfax.
Et ce n’était pas la première fois que cela arrivait. Deux tenants des trois présidences (le chef de l’Etat et le président de l’ANC) ont été également dégagés, à force de jets de pierres, d’une cérémonie commémorant le premier anniversaire de la révolution tunisienne, le 14 janvier 2012, à Sidi Bouzid, le fief de cette révolution.
Mais encore… Nombre de Tunisiens ne reconnaissent pas leur pays. Les sit-in, grèves (dont deux générales), attaques et incendies de postes de police, mais aussi absentéisme, c’est une révolution à rebours qui s’est installée dans les esprits depuis le 14 janvier 2011. Une révolution quasi «hillalienne» qui a conduit les Tunisiens à détruire chaque jour davantage ce qu’ils ont construit depuis des années.
Une responsabilité collective
Une situation qui, il faut le préciser, les partis de la Troïka ne sont pas les seuls responsables. Loin s’en faut! La responsabilité est celle de tous les Tunisiens. Même si ces derniers sont en majorité d’accord pour dire que ces trois mouvements, parce qu’ils sont aux affaires depuis les élections du 23 octobre 2013, ont échoué.
Leur principal échec consiste sans doute à avoir échoué à fédérer les Tunisiens. En allant jusqu’à minimiser les voix discordantes avec des expressions du genre «les 0,…%». Ont-ils confondu peut-être période de transition et législature normale? Ont-ils, à ce propos, tenté de changer très vite de modèle de société? Avec eux des phénomènes nouveaux sont apparus comme le “mariage coutumier“, le “Djihad Ennikah“ ou encore les “écoles coraniques“. Même s’ils n’ont pas appelé ou encouragé l’apparition de ces phénomènes, le simple fait de les avoir «tolérés», disent leurs contradicteurs, est significatif de cette tendance.
Ont-ils mal “jugé“ les dangers qui guettent le pays? Un responsable n’est-il pas sorti pour nous dire qu’il n’y avait pas de terroristes dans des montagnes tunisiennes, mais simplement des personnes «qui s’adonnent à des exercices sportifs»? On découvrira plus tard le contraire.
Deux années après le 23 octobre 2011, le pays va mal et des espoirs ont été déçus. Car s’il est vrai que les Tunisiens sont beaucoup plus “libres“ (de parler) qu’avant, leur quotidien ne s’est pas amélioré. La vie est de plus en plus chère, le chômage a grimpé, l’environnement est de plus en plus sale, l’accès au logement et aux soins de plus en plus difficile, des maladies que l’on croyait disparues ou qui étaient rares ont fait un retour remarqué. La santé mentale a pris aussi un sacré coup: les consultations psychiatriques ont crû et les consommations de tranquillisants et les anxiolytiques avec.
Il faut dire que les lendemains du 23 octobre 2011 n’ont pas été faciles pour nos gouvernants. Qui ont souffert d’une conjoncture quasi catastrophique en Europe, notre principal partenaire économique. Marquée par une récession économique. La main-d’œuvre a commencé déjà à fuir les contrées européennes. A la recherche d’Eldorado. Aux Amériques, en Asie, en Australie. Mais aussi au Maroc. Qui reçoit des chômeurs espagnols!
Bien plus: à moins d’un sursaut, le pays n’est pas prêt de sortir de sa crise. Les Tunisiens restent agrippés à un dialogue national qui nourrit bien des espoirs, mais qui donne l’impression de traîner en longueur.