Après deux ans au pouvoir, les responsables de la Troïka ne doivent pas être fiers d’eux-mêmes. Au regard de l’ampleur des mécontentements, des dégâts et contreperformances accomplis, ils doivent se terrer et se faire oublier pour la vie. Leur bilan est, le moins qu’on puisse dire, catastrophique aux plans politique, diplomatique, économique social et moral.
Ils ont pris trop de risque en s’acharnant, durant cette période transitoire, à déstructurer systématiquement la République et à en ternir l’image. Logiquement, ils ont compromis à jamais l’avenir politique de leurs partis et de leurs adhérents.
Zoom sur deux ans de destruction massive.
Au plan politique, grisée par une confortable victoire aux élections du 23 octobre, la Troïka s’est crue pérenne et s’est employée à nommer, sans discernement, ses pions à la tête de l’administration, des offices et des collectivités locales.
Selon l’Union tunisienne du service public et de la neutralité de l’administration (UTSPNA), plus de 82% des nominations dans le secteur public, depuis le mois de décembre 2011, ont été faites par les gouvernements nahdhaouis sur la base d’orientations partisanes et autres. Pis, la moitié environ de ces nominations n’ont pas été publiées dans le JORT (Journal Officiel de la République Tunisienne), toujours d’après l’UTSPNA.
Les nahdhaouis ont beaucoup misé sur cette mainmise sur toute la hiérarchie administrative (omdas, délégués, gouverneurs, procureurs, PDG d’entreprises publiques, directeurs généraux, hommes d’affaires acquis à leur cause, pour remporter les prochaines élections.
Moralité : les deux gouvernements de la Troïka ont mis en place une machine administrative destinée à remporter les prochaines élections.
Et pour garantir toutes les chances de les remporter et de dissuader toute percée de l’opposition, la Troïka a préparé le terrain aux assassinats politiques et au terrorisme dans le pays.
Ali Larayedh, qui a été respectivement ministre de l’Intérieur et chef du gouvernement, assume, par sa tolérance vis-à-vis des djihadistes islamistes la responsabilité des meurtres des leaders, Chokri Belaid le 6 février 2013, et Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013, et la manifestation de groupes terroristes dans plusieurs zones du pays (djebel Bouchebaka, djebel Chaambi, djebel Ouergha et Goubellat…).
Signe de complicité de la troïka au pouvoir, les hauts cadres de la police nommés par les soins d’Ali Larayedh n’ont pas pris en considération des alertes qui leur ont été fournies par la CIA et des services de base de l’intérieur des préparatifs de ces assassinats et même des attaques terroristes (mise ne garde, le 13 novembre 2012, du général Carter F. Ham, commandant général de l’US Africa Command “Africom“) quant à certains mouvements d’Al Qaïda en Tunisie, et mise en garde par des policiers de terrain quant à l’entrée clandestine en Tunisie du terroriste libyen, Abdelhakim Belhaj à des fins terroristes.
Pis, les documents de la CIA et de la police tunisienne ont été dissimulés et classés. Celui de la CIA a été éliminé définitivement mais des fuites ont permis à la société civile de disposer de copies.
Résultat: toutes les preuves étaient là pour prouver que la Troïka était impliquée dans les assassinats et actes terroristes.
La Troïka a aussi à son actif la répression des régions de l’intérieur. La répression la plus dramatique a été celle de la région de Siliana. Ali Larayedh, alors ministre de l’Intérieur, avait ordonné à la police de tirer, à bout portant, à la chevrotine sur les manifestants de Siliana lesquels, dans un geste spectaculaire et inoubliable, avaient décidé de quitter la ville pour protester contre un gouverneur incompétent auquel tenait le chef du gouvernement de l’époque, Hamadi Jebali.
Dans la région de Tataouine, les milices de la Troïka, les Ligues de protection de la révolution (LPR), ont lynché jusqu’à la mort Lotfi Naghd, militant de Nidaa Tounès et semé la terreur au sein des militants des partis concurrents d’Ennahdha dans les régions (Nidaa Tounès, Al Joumhouri, Al massar…). Ennahdha, parti majoritaire, voulait gouverner seul et rien d’autre.
La répression de la Troïka a touché également les journalistes, intellectuels et artistes. A titre indicatif, Reporter sans frontière a recensé 150 agressions perpétrées contre les journalistes en 2012. Youssef Seddik, penseur, a été agressé à Kélibia.
Les artistes n’ont pas été épargnés: agression du cinéma de Africa, du palais Abdellia à l’occasion d’une exposition de peinture jugée par des salafistes violents “insultante pour l’Islam“. Et la liste est loin d’être bouclée…
Suivra “ La déstructuration systématique de la République : Au plan diplomatique“