Dans cette 3e partie, nous abordons la déstructuration du pays au plan économie ; domaine dans lequel les Tunisiens sont de plus nombreux à regretter le dictateur déchu, Ben Ali.
Au plan économique donc, la situation est on ne peut plus critique. Tous les fondamentaux sont au rouge: déficit budgétaire, déficit courant, inflation, endettement, investissement, épargne…
Conséquence : le Tunisien se bat quotidiennement contre la cherté de la vie. Celle-ci est principalement générée par la contrebande que le pouvoir lui-même couvre et entretient, selon plusieurs sources. Sinon comment expliquer que des convois entiers traversent les frontières, sans aucun contrôle. Est-il besoin de rappeler que, par l’effet de la contrebande, la Tunisie perd 1 milliard de dinars de produits compensés?
Pour résoudre les problèmes économiques, le gouvernement, tout comme ceux de Ben Ali, a opté pour la solution de facilité, celle de l’endettement auprès de la Banque mondiale et du FMI. Ce dernier lui a accordé un crédit stand by (facilités de caisse) d’un montant 2,5 milliards de dinars.
Ce crédit masque en fait un plan d’ajustement structurel déguisé. Ce sinistre plan, adopté une première fois, en 1986, par la Tunisie alors qu’elle était au bord de la banqueroute, est un programme de réformes que les institutions de Brettons Wood recommandent aux pays touchés par de grandes difficultés économiques.
Il s’agit d’un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture, c’est-à-dire sur le court terme en optant pour une politique d’austérité, et d’autres sur les structures avec comme philosophie la réhabilitation de l’économie du marché et comme point d’orgue le désengagement de l’Etat au profit des privés.
L’objectif est de modifier le modèle économique du pays dans la mesure où une institution comme le FMI conditionne son aide à la mise en place de réformes qu’il considère pérennes. Il s’agit des fameuses conditionnalités, chastement appelées “étapes de suivi du PAS“. Celles-ci consistent à privatiser les entreprises publiques, à instituer la sous-traitance, à réduire de manière drastique la compensation, à sabrer dans les pensions des retraites et des salaires des fonctionnaires, à ouvrir le marché local aux investisseurs étrangers et à libéraliser au maximum les prix et les échanges économiques.
D’ailleurs, en raison du retard qu’accusent les réformes convenues avec la Banque mondiale et le FMI (code des investissements, reforme fiscale, gouvernance des banques…), le gouvernement a du mal à boucler son budget 2013, en ce sens où les bailleurs de fonds mécontents de ce retard ont tendance à traîner du pied avant de décaisser deux tranches d’un montant respectif de 500 millions de dollars pour le FMI et 250 millions de dollars pour la Banque mondiale.
Outre l’endettement excessif, l’économie du pays souffre de l’évasion fiscale, de l’arrêt sporadique des exportations de phosphate (2 milliards de perte depuis 2011) et surtout des obstacles érigés pour décourager l’investissement, d’un secteur informel en fraude totale du fisc (30% du PIB).
Rappelons à ce propos que sur un total de 616.000 entreprises que compte la Tunisie, 524.000 opèrent dans le secteur informel et réalisent un chiffre d’affaires de 115 milliards de dollars, soit six fois et demi le budget de l’Etat, en 2013, et onze fois la valeur du capital des sociétés cotées en Bourse en 2010.
Au regard de ces données, l’économie tunisienne ne serait qu’une économie sous-développée, «une économie pré-marché, voire une économie de niveau féodal».
Mention spéciale pour les investissements publics programmés dans les régions du pays et qui n’ont jamais été totalement exécutés. Dans certaines régions de l’ouest, le taux d’exécution des budgets de développement n’a guère dépassé les 20 à 30%. Au plan national, sur un budget de développement de 6 milliards de dinars prévus pour 2012, seuls 4 milliards de dinars ont été dépensés.
Même l’investissement privé n’a pas échappé à la tendance fâcheuse des autorités d’exécution nahdhaouies régionales à saboter et à décourager le lancement de tout projet devant créer des emplois, sédentariser les communautés rurales et créer de la valeur.
Des investisseurs sont allés jusqu’à accuser, publiquement, certains gouverneurs de ne pas encourager ce qu’ils appellent «les investisseurs patriotes» et de leur préférer soit des hommes d’affaires proches des nahdhaouis au pouvoir soit des étrangers, particulièrement, des investisseurs qataris.
C’est le cas du projet agroalimentaire Royal Drinks (agroalimentaire) de l’homme d’affaires Hafedh H’maied. Un projet de 60 MDT qui n’a pas pu voir le jour en raison de l’obstination du gouverneur de Siliana qui a refusé un permis de bâtir dans la zone du Krib au nord-ouest.
D’autres cas similaires sont signalés à Siliana ville, à Bousalem, à Gafsa, à Sfax et à Sidi Bouzid.
Suivra … La déstructuration de la République : Au plan social