“Dernier entré, premier servi” : le cercle vicieux pour les chômeurs de longue durée

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ômage en France (Photo : Philippe Huguen)

[24/10/2013 08:35:12] Paris (AFP) La file d’attente du chômage marche à l’envers: c’est souvent “dernier entré, premier servi”, et pour cette raison, les chômeurs de longue durée (un an et plus) pourraient bien devoir patienter avant de profiter d’une amélioration de l’emploi.

“La sortie de chômage ne fonctionne pas sur le modèle d’une file d’attente. Ce sont en général les chômeurs les plus +frais+ qui retrouvent du travail, pas les plus anciens”, constate Jean-Pierre Revoil, ancien directeur général de l’Unédic, l’organisme gérant l’assurance chômage.

Selon lui, “crise ou pas crise, 50% des chômeurs se recasent dans les six mois et 25% entre 6 mois et un an”.

Les autres “passent derrière dans la file”, “c’est: dernier entré, premier servi”, observe également Denis Fougère, directeur de recherches au CNRS.

Un chômeur de longue durée (catégorie représentant 40% des demandeurs d’emploi) “a environ deux fois moins de chances de reprendre un emploi qu’un autre demandeur d’emploi”, estimait en 2011 le Conseil d’orientation pour l’emploi.

Si “l’écart se réduit” quand “on prend en compte les différences de profils”, les chômeurs de longue durée font face à des “problèmes spécifiques”: “perte de compétences et de confiance”, problèmes “financiers, sociaux, sanitaires, psychologiques”, explique François Fontaine, professeur à l’Université de Lorraine.

Au bout d’un moment, les trous sur le CV ont aussi un “effet de stigma”: les entreprises vont privilégier les candidats en activité ou au chômage de courte durée, ajoute-t-il.

504 jours d’inscription à Pôle emploi en moyenne

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à Englos, près de Lille, dans le nord de la France (Photo : Philippe Huguen)

Même si depuis la crise “les parcours complexes se sont banalisés”, il existe dans les entreprises une “discrimination des chômeurs de longue durée sur le CV”, admet Cyril Capel, du cabinet de recrutement CCLD. “La question qui revient toujours est pourquoi cette personne n’a pas trouvé? Leur difficulté est d’arriver à obtenir un entretien pour pouvoir s’expliquer”, souligne le recruteur.

L’ancienneté moyenne des chômeurs (avec ou sans activité) à Pôle emploi a atteint en août un record: 504 jours. Ceux sortis des listes y sont en moyenne restés 287 jours, contre 225 il y a cinq ans. Depuis la crise, “il est incontestablement plus difficile de sortir du chômage”, selon M. Fougère.

La probabilité de sortir du chômage “devient plate maintenant au 4e trimestre” alors que jusqu’à 2008 elle diminuait au bout de cinq ou six trimestres, a-t-il calculé.

Et en période de “reprise faible”, “on ne peut pas espérer que le nombre de chômeurs de longue durée baisse considérablement”, estime M. Fougère. En 1998-2000 et 2005-2008, périodes plus favorables, il avait baissé “progressivement”, avec un “décalage”.

Entre mai et août, le nombre des demandeurs d’emplois avec ou sans activité s’est stabilisé (-0,1% sur 3 mois). Mais celui des chômeurs de longue durée, supérieur à 2 millions depuis février, était toujours en hausse (+2,6%). Sur un an, il a augmenté de 14% (contre +6,6% pour les demandeurs d’emploi en général).

A l’image des emplois aidés, les emplois retrouvés après une longue période d’inactivité “sont souvent courts et non qualifiés. S’ils ne débouchent pas sur une véritable qualification, les personnes vont se retrouver de nouveau au chômage”, selon M. Fougère.

Comme tous les experts, il recommande d'”agir beaucoup plus tôt” et d’identifier dès leur inscription les profils à risque: âge avancé, peu diplômé, bassin d’emploi sinistré, métier en régression ou encore licenciement après une longue période chez le même employeur.

“Pôle emploi active trop tard l’accompagnement et avec des moyens insuffisants”, abonde son collègue François Fontaine.

Pour eux, “ce sont des rendez-vous tous les 15 jours qu’il faudrait” et “dès 6 mois ou 1 an de chômage une proposition de formation ou de reconversion” vers un métier en tension, recommande M. Revoil.

En contrepartie, ces demandeurs d’emploi doivent “accepter une reconversion” sous peine d’une “réduction de l’allocation”, soutient l’ex-directeur de l’Unédic. Selon lui, “au-delà d’une certaine durée de chômage, mieux vaut reprendre un emploi pas totalement satisfaisant plutôt que de rester inactif”.