Des billets de banque (Photo : Philippe Huguen) |
[24/10/2013 14:48:23] Paris (AFP) La fiscalité de certains contrats d’assurance-vie, plans épargne en actions (PEA) et plans épargne logement (PEL) va être alourdie pour financer la Sécurité sociale, une mesure contestée par les associations d’épargnants qui dénoncent une insécurité juridique.
Q- Que va modifier la loi ?
R- Désormais, tous les revenus issus de l’épargne seront soumis au taux unique de prélèvement social de 15,5%. Jusqu’ici, certains produits bénéficiaient d’un mode de calcul alternatif et les gains étaient assujettis au taux en vigueur à la date de versement des primes. Les prélèvements sociaux auxquels les gains étaient soumis se situaient ainsi dans une fourchette comprise entre 0,5 et 15,5%.
“C’était un calcul un peu complexe, certes, mais relativement favorable. S’il s’aggravait au fil du temps, il ne remettait pas en cause la tarification telle qu’elle existait au moment du versement”, explique Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes.
Pour le gouvernement, ce nivellement par le haut se traduira par “des prélèvements plus lisibles et plus simples” et il permettra surtout de dégager 600 millions d’euros dont 450 millions affectés à la Sécu. Matignon souligne en outre que la hausse concerne des placements qui sont exonérés d’impôts sur le revenu.
La réforme s’applique aux retraits effectués à partir du 26 septembre 2013 et ne concerne pas les produits d’épargne qui ont été liquidés avant cette date.
Q- Quels sont les contrats concernés?
R- Trois types de produits d’épargne sont concernés par l’alourdissement de la fiscalité: les contrats d’assurance-vie multi-support, les PEA et les PEL.
Le taux de prélèvement social passe à 15,5% sur les gains issus des PEA de plus de cinq ans, sur les primes versées avant le 26 septembre 1997 sur des contrats d?assurance-vie multi-supports, sur les produits de l?épargne salariale, sur les primes versées dans le cadre des comptes et plans épargne logement (CEL et PEL), et sur les intérêts acquis sur des PEL de moins de 10 ans souscrits avant le 1er mars 2011.
Q- Est-ce une mesure rétroactive ?
Les avis s’opposent. Du côté des associations d’épargnants, on tacle la mesure sur ce point et on regrette l'”humeur fiscale instable” du gouvernement. “C’est une rupture de confiance”, entre le gouvernement et les épargnants, déplore Gérard Bekerman, le président de l’Afer, l’une des principales associations d’épargnants. L’Association française des usagers des banques souhaite quant à elle que le Conseil Constitutionnel soit saisi “au titre de la rétroactivité et de l’iniquité.”
Du côté de Bercy, on avance que les règles du jeu n’ont pas été changées. Il ne s’agit que d’une modification de l’impôt, explique-t-on, puisque la mesure ne s’applique que lorsque l’épargnant réalise son gain. “Si on avait dit: on a changé la règle pour des gains passés, ça, ce serait rétroactif”, justifie le ministre de l’Economie Pierre Moscovici.
Les constitutionnalistes s’accordent également à dire que l’ajustement des prélèvements sociaux n’est pas rétroactif en tant que tel même si “moralement”, il pourrait être considéré ainsi puisqu’il concerne des contrats ouverts à une époque où l’environnement fiscal était plus clément.
Pour le Cercle des fiscalistes, “on se trompe de cheval de bataille. Le problème c’est l’instabilité, pas la rétroactivité.”
Q- Les épargnants ne risquent-ils pas de se détourner de ce type de produits, ce qui pénaliserait le financement des entreprises ?
Si l’avantage compétitif dont certains produits d’épargne jouissaient disparaît, ils n’en deviennent néanmoins, de ce point de vue, pas moins intéressants que leurs concurrents. Mais, au moment où le gouvernement travaille à la création d’un nouveau contrat d’assurance-vie, l'”Euro-croissance”, et à une extension du PEA aux PME, c’est surtout “le signal envoyé qui est important” car le taux de ces prélèvements pourrait de nouveaux être relevé à l’avenir, relève Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants.
Pour Gérard Bekerman, “en ne respectant pas le principe de visibilité des contrats, le gouvernement compromet le projet d’+euro-croissance+ car les épargnants n’auront plus confiance en lui, alors qu’ils ont besoin de sécurité”.
Pour autant, en pratique, rien ne change pour ces futurs produits. En effet, ils auraient été soumis au taux de 15,5% à leur création.