Les Cubains prudents face à l’unification monétaire

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à La Havane le 23 octobre 2013 (Photo : Yamil Lage)

[24/10/2013 19:07:17] La Havane (AFP) Les Cubains sont en proie à des “millions de doutes”, confie à l’AFP Laura, une économiste qui a appris mardi par un bref communiqué officiel que le régime communiste avait décidé de mettre fin au système de double monnaie, casse-tête quotidien de 11 millions de Cubains.

“On aimerait seulement avoir un peu plus d’information, parce que le communiqué ne disait rien, juste une ébauche”, regrette cette économiste de 54 ans qui travaille pour une entreprise d’Etat à La Havane.

Deux jours après la publication du communiqué annonçant le début du processus d’unification du peso cubain (CUP) et du peso convertible (CUC), qui vaut 24 CUP et est aligné sur le dollar américain, aucune indication officielle n’est venue répondre aux interrogations des Cubains sur le calendrier et la méthode prévus.

Seule information, le processus d’unification se fera d’abord pour les entreprises d’Etat, avant de s’appliquer aux particuliers. Ce qui ajoute encore à la confusion pour le Cubain de la rue.

“Même s’ils parlent d’un calendrier, ils ne donnent aucune date”, souligne de son côté la célèbre blogueuse d’opposition Yoani Sanchez. “Et le grand problème, c’est comment unifier les deux monnaies dans un pays où la productivité et l’efficacité sont aussi pauvres”, commente l’opposante sur twitter.

“Au moins, il y a de l’espoir”, souffle Yolanda Rodriguez qui gagne 1.000 pesos (41 dollars) par mois au ministère des Finances. Pour boucler ses fins de mois, elle compte sur l’aide de ses enfants qui vivent à l’étranger. “Quand ils peuvent, parce que pour eux non plus, ce n’est pas facile”, ajoute-t-elle.

Mirtha Graveran, une retraitée de 67 ans, est en bas de l’échelle sociale. Elle touche une retraite de 147 pesos cubains (6 dollars). “Je ne vois pas souvent la couleur d’un CUC”, regrette-t-elle. Pour elle, la réforme est la bienvenue, “parce que ça nous mettrait sur un pied d’égalité”.

“La différence entre ceux qui ont des CUC et les autres est trop grande”, explique la retraitée.

C’est tout le casse-tête quotidien des Cubains qui, pour la grande majorité, reçoivent salaires et pensions en CUP. Même si les services (loyers, électricité, eau, transports, éducations, santé) sont subventionnés et donc très bon marché, le salaire moyen de 500 pesos suffit à peine à subvenir aux besoins alimentaires.

Le mutisme des autorités inquiète les Cubains

Car tous les produits importés -et Cuba importe notamment 80% de son alimentation- sont facturés en CUC, auxquels les Cubains n’ont généralement qu’un accès limité.

Ceux qui reçoivent de l’argent de l’étranger, qui travaillent au contact des touristes ou pour des entreprises étrangères ont un accès direct aux CUC. Mais pour la majorité des Cubains, surtout dans les campagnes, le peso convertible se fait rare.

Premier petit pas vers l’unification, le gouvernement a également annoncé l’extension de la possibilité de payer en CUP dans les magasins qui facturent en CUC, mais toujours au même taux de 24/1.

“Au moins, ça m’évite d’aller au bureau de change pour changer mes pesos en CUC”, sourit Laura en regrettant encore de ne rien savoir sur le processus lancé mardi.

Si le système de double monnaie avait été qualifié en juillet par le président Raul Castro de “principal obstacle au progrès” de l’économie cubaine, les médias officiels sont depuis mardi totalement muets sur le sujet, suscitant rumeurs et appréhensions.

Le journaliste et blogueur pro-régime Francisco Rodriguez (paquitoeldecuba.com) est également monté au créneau et a demandé que “qu’une source autorisée intervienne d’urgence pour apporter une analyse” de l’annonce de la fusion monétaire.

Sinon, ajoute-t-il avec ironie, “une bonne partie de notre peuple va penser qu’après tant d’années, il n’est pas si difficile d’unifier les deux monnaies et qu’il suffit de multiplier par 25” la valeur du peso cubain.