La lutte contre le terrorisme devient, de manière providentielle, la priorité de l’agenda du gouvernement. Curieusement l’attentat permet au gouvernement de zapper le dialogue national et ses recommandations. Cette monnaie d’échange est-elle payante pour gagner du temps? Gare, on ne peut pas abuser le peuple et le payer avec une monnaie de singe.
Six martyrs de plus à Sidi Ali Bouaoune, le mercredi 23 octobre. Et encore une fois, des martyrs de trop. Le peuple les pleurait -à l’exception des partisans d’Ennahdha. Ceux-là ont préféré témoigner leur ferveur au gouvernement lequel s’obstine à se maintenir en place. Ce 23 octobre devait être jour charnière pour que le pays bascule dans l’entente entre forces politiques afin de dénouer la crise qui paralyse dangereusement le pays. Il a été jour de clivage, ravivant les répulsions entre le bloc national et le bloc politique.
Le dialogue national n’a pu donc démarrer dans la soirée, comme prévu. A-t-il été -juste- différé? La lutte contre le terrorisme est présentée par le gouvernement comme une “ardente obligation“. Il se servira de cette bouée de fortune pour se maintenir en place. Ce mandat que s’auto-octroie le gouvernement est-il acceptable? Peut-il lui servir de bouclier contre la colère populaire?
Le terrorisme est-il aveugle?
Le propos est trop criminel ou naïf, pour être vrai! Les corps de sécurité se sont dressés, unis comme les doigts de la main, face à la barbarie terroriste empêchant l’Etat de s’écrouler. Des soldats ont été égorgés vifs à Chaambi. La haine des terroristes dépasse l’entendement. La soldatesque coloniale ne s’est pas rendue coupable d’autant de cruauté.
Lotfi Zaar tombé lui également, sur le champ d’honneur, car sans gilet de protection. Un guet-apens est organisé pour abattre, sauvagement, des gardes nationaux encore sacrifiés à Gouboullat.
Un carnage immonde ce 23 octobre, à Sidi Ali Bou Aoune, avec un bilan accablant de six martyrs de la Garde Nationale.
Un policier abattu à Menzel Bourguiba, le soir du même 23, ça suffit! Si le terrorisme est l’ennemi, pourquoi le pays ne se donne pas une stratégie nationale pour l’endiguer? Si. Elle a été proposée par les corps de sécurité, disent certains de leurs représentants syndicaux auxquels se sont adjoints des experts indépendants et dévoués.
Les terroristes, insaisissables? Oui, parce que des voix “amies et infiltrées“ les renseignent in extremis pour échapper aux policiers ou pour, carrément, prendre l’initiative d’attaquer le “Taghout“.
Le terrorisme s’incruste et prend ses quartiers. Une “croisade“ contre les terroristes, leurs relais locaux, leurs réseaux, n’est-elle pas à engager tout de suite? Le chef du gouvernement n’en a pas parlé. Curieusement, la saillie terroriste lui donne motif à rendre le tablier? Que, non. Mais à se maintenir en service.
Ajouter que le timing des attentats est “comme tombé du ciel“. Bonté divine, que tout cela est inquiétant et obscur. L’attentat profite à un gouvernement qui déclarait quelques jours plutôt avoir terrassé le terrorisme. Si donc l’attentat profite à qui on sait, cela pourrait renseigne sur son mobile.
On ne voudrait pas se précipiter mais cela nous force à dire que le terrorisme n’est pas aussi aveugle qu’on veut bien nous le faire croire. Il brûle les corps de sécurité sur le bûcher de sa haine. Il cherche à atteindre l’Etat national. Par conséquent, le terrorisme n’est pas aveugle mais il porte des œillères car il s’acharne contre l’Etat. De la sorte, quand on prétend lutter efficacement contre le terrorisme, on doit présenter un plan pour préserver l’Etat. Le gouvernement de la Troïka le fait-il? Il n’en a pas parlé, et puis il traîne trop de casseroles. Qui est donc le plus indiqué pour faire le travail?
La Troïka active ses partenaires
Le Quartet, largement soutenu par le socle national de l’opinion, dit qu’un gouvernement neutre, à l’abri des interférences partisanes, ne privilégiant que les priorités nationales, est plus indiqué pour faire le travail. Hélas, des voix dissonantes se sont exprimées.
Mohamed Bennour, intervenant par téléphone sur Nessma, propose un gouvernement d’unité nationale, idée envisagée puis abandonnée par le quartet.
Le président va encore plus loin. Il lie le départ du gouvernement à l’achèvement du processus constitutionnel, puis suppléant le dialogue et le quartet, c’est lui qui nommerait un nouveau chef de gouvernement. Tout donne à croire que le dialogue a été soufflé par l’onde de choc du carnage de Sidi Ali Bouaoune.
En choisissant de se maintenir au pouvoir, le gouvernement sait qu’il va se mettre à dos le bon peuple. Sur qui s’appuiera-t-il pour continuer à invoquer la légitimité? Comme disait Marcel Prout, le mystère est trop clair.