ère (Photo : Martin Bernetti) |
[26/10/2013 12:54:57] Paris (AFP) Après la mort d’un titulaire de compte Facebook, Gmail ou Apple, il est quasiment impossible pour ses proches de récupérer les photos, mails ou données qui s’y trouvent, les traces numériques du défunt continuant parfois d’errer sur le web pendant des années.
Près de trois millions de profils Facebook “décédés” en 2012: l’estimation macabre de la société Entrustet, gestionnaire de données numériques, rappelle qu’internet est un espace de vie à part entière, où on meurt donc aussi.
“Le temps passe et la douleur de perdre quelqu’un que vous aimiez s’atténue, mais ne disparaît jamais”, écrivait l’ex-patron de la sécurité informatique de Facebook, Max Kelly, en 2009 pour expliquer le lancement de la fonctionnalité “mode commémoratif”.
En envoyant un avis de décès ou un article de presse prouvant la mort de la personne, on peut ainsi transformer le profil d’une personne décédée en “mémorial”, une page où on lui rend hommage.
Mais la procédure se corse pour les requêtes dites “spéciales”: seul un “parent direct et vérifié” peut demander un “retrait” de compte. Et pour un éventuel accès au contenu de ce compte, Facebook demande au préalable un document légal prouvant que le défunt “souhaitait remettre spécifiquement ses communications électroniques entre vos mains ou celles d?un tiers”.
De son côté, Google exige une traduction en anglais “assermentée et certifiée devant notaire” du certificat de décès, mais aussi l’engagement d'”une procédure judiciaire complémentaire afin de pouvoir présenter, entre autres, une ordonnance d’un tribunal des Etats-Unis”, où le groupe est basé.
Le logo de Facebook (Photo : Karen Bleier) |
Et quand bien même on réussirait à réunir toutes ces pièces, les deux plateformes préviennent qu’elles ne garantissent en aucune manière que la démarche aboutisse favorablement, arguant de la protection de la vie privée des détenteurs de ces comptes.
Il est vrai que sur sa messagerie Gmail “on a toute sa vie privée, y compris des choses qu’on n’a pas envie que nos proches sachent”, consent Olivier Ertzscheid, universitaire spécialiste de l’internet et maître de conférences à Nantes.
Limbes
Mais ces sites collectent aussi “énormément de traces documentaires sur toute notre vie (photos, vidéos, textes) et les proches ont logiquement besoin d’y avoir accès pour leur travail de deuil”. Il y a un flou juridique “car c’est chaque plateforme qui décide, dans le cadre de ses conditions générales d’utilisation, de ce qu’il advient de ces comptes”, souligne-t-il à l’AFP.
Et après la mort, sur les réseaux sociaux mais plus généralement sur internet, les données se retrouvent “dans des limbes: on est décédé mais on reste d’une façon présent car toutes les traces qui ont documenté nos vies pendant des années, voire des dizaines d’années, restent accessibles en ligne et à disposition des acteurs chez qui on les a laissées”.
Dans l’attente d’une hypothétique réglementation mondiale qui exigerait par exemple des plateformes l’effacement systématique des données appartenant à une personne décédée, la seule possibilité aujourd’hui est de décider soi-même, de son vivant, à qui (et si) on veut les transmettre.
Encore confidentielles, des sociétés de “nettoyage” des données numériques ou de coffre-fort virtuel permettent de laisser des consignes concernant ses mots de passe, ses données bancaires, ou encore les codes d’accès pour son compte iTunes – on ne peut en effet pas transférer de compte à compte sa musique achetée sur la plateforme d’Apple.
Google propose aussi à l’utilisateur de paramétrer son compte “afin de choisir s’il souhaite partager ses données avec un ou des proches après sa mort ou en cas d’inactivité prolongée”.
Cependant, dans un monde de plus en plus numérique, la notion même de transmission et sa valeur affective évoluent aussi: “quand nos grands parents décédaient, on était contents de récupérer quatre ou cinq photos d’eux en tirage papier, qui étaient précieuses par leur rareté. Nous sommes maintenant sur une logique d’abondance, est-ce que cela a vraiment un intérêt de récupérer 10.000 photos quand quelqu’un décède?”, s’interroge Olivier Ertscheid.