OPINION : Avec le dialogue national, la Tunisie a le dos au mur!


dialogue-5454s.jpgLe
moteur du Dialogue national a fini par démarrer. Difficilement, après des remous
et des poussées de fièvre en tous genres, avec les arrière-pensées de ceux-ci et
de ceux–là, avec les mauvaises intentions de certaines composantes à l’intérieur
et de certains autres parties à l’extérieur, avec le handicap d’une ANC où la
Troïka détient la majorité qualifiée pour des décisions majeurs… Le moteur a
démarré mais la conduite sera probablement très difficile…

Ali Laarayedh, poussé dans ces (derniers) retranchements de La Kasbah, a fini
donc par lâcher prise. Il n’a pas totalement tort lorsqu’il insiste sur la
concomitance des principaux dossiers. Effectivement, les commissions du Dialogue
national, et en dehors de la présidence du nouveau gouvernement et sa
composition, auront fort à faire avec l’ANC et ses positions pas claires…

L’ANC détient en fait la totalité des pouvoirs pour les dossiers assez
compliqués de l’ISIE, de la nouvelle loi électorale et des travaux de la
Constitution. D’autre part, l’ANC est piégée dans le cas d’espèce par le groupe
d’Ennahdha, le plus important des groupes en son sein, par les desperados du
Mouvement Wafa d’Abd Erraouf Ayadi qui sont prêts à tout torpiller rien que pour
démontrer leur force de nuisances, par les indéfinissables membres du CPR et
leur position bancale entre acceptation du Dialogue national et refus de signer
la feuille de route. Sans compter les multitudes d’autres voix comme celles du
Courant Mahabba -téléguidé depuis Londres par Hechmi Hamdi et ses éternels
sautes d’humeurs-, ou encore celles des petits partis, des indépendants, des
sans étiquettes dont les positions peuvent sciemment bloquer n’importe quel
consensus!

Or, la clé de voûte de tout l’édifice difficilement imaginé et élaboré par le
Quartet repose sur deux données essentielles de base: le consensus national et
la confiance dans le processus mis en place afin d’arriver rapidement aux
élections pour clore cette éternelle transition qui n’en finit pas de saper ce
qui reste de confiance dans l’avenir et les forces du pays.

La Révolution tunisienne du 17 décembre avait beaucoup de particularités qui ont
fait -et qui font- croire encore à la possible réussite de sa transition
démocratique avant tous les autres pays arabes et beaucoup plus profondément.
L’échec de la Troïka est dû entre autre à la résistance de la société civile (et
politique) du pays à la vague d’islamisation rampante des partis issus de la
mouvance des Frères musulmans égyptiens.

Les traditions de tolérance et d’ouverture de la pratique en Tunisie de l’Islam,
l’héritage bourguibien de modernité et positivisme, l’Etat moderne et social
construit après l’indépendance, et malgré les errements de Bourguiba et de Ben
Ali, ont fini par cristalliser les fondements d’une société duale aussi bien
attachée à sa personnalité arabo-musulmane qu’ouverte et tolérante dans sa
pratique.

Quid des autres pays?

C’est ce qui a fait défaut en Libye où des bandes jihadistes ont rapidement
supplanté le désert d’organisation laissé par Kadhafi. C’est ce qui a fait
défaut en Egypte malgré son héritage certains de modernité mais où l’Etat
moderne n’a pas pu marginaliser l’esprit d’un islam renfermé et intolérant
surtout face à l’importante minorité copte. C’est ce qui a également fait défaut
au Yémen, miné par le sous-développement économique, par la proximité du régime
wahhabite saoudien et par le sous-développement politique flagrant. C’est ce qui
a fait défaut, enfin, en Syrie où le régime totalitaire baathiste n’a laissé de
place à personne et a su manipuler une société traversée par les divisons
religieuses et ethniques…

Dans ce contexte et avec les projecteurs intérieurs et extérieurs braqués sur
eux, les participants au Dialogue national doivent inventer l’avenir de la
révolution et celui du pays. Du 25 juillet au 25 octobre, nous avons perdu un
temps précieux dans les palabres et les atermoiements mais on y est arrivé quand
même, et à partir de la nouvelle donne, nous avons le dos au mur!