à Washington (Photo : Brendan Smialowski) |
[29/10/2013 06:27:41] Washington (AFP) Singapour en tête, France 38e et Tchad lanterne rouge: la Banque mondiale a publié lundi à Washington son nouveau classement sur l’environnement des affaires, en dépit des critiques et de la farouche opposition de la Chine.
Intitulé “Doing Business” (“faire des affaires”), son rapport passe au crible le cadre réglementaire qui s’impose aux petites et moyennes entreprises dans 189 pays, évaluant notamment dans quelles conditions elles peuvent lancer leur activité, avoir accès au crédit ou payer leurs impôts.
En agrégeant les résultats puisés auprès de 10.000 professionnels, l’institution arrive à un classement qui distingue le même quinté gagnant que l’année précédente: Singapour, leader depuis l’édition 2007, suivis par Hong Kong, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis et le Danemark.
Dans cette 11e édition, la France, elle, recule du 34e au 38e rang mondial, notamment à la traine sur les procédures d’enregistrement des propriétés immobilières et les permis de construire.
Ce classement est toutefois loin de faire l’unanimité et a fait couler beaucoup d’encre avant même sa publication. Mécontente de son rang l’an dernier, la Chine était ainsi montée au créneau pour fustiger un rapport qui “pourrait ruiner la réputation de la Banque”.
“Le rapport utilise des méthodes erronées, ne reflète pas les faits, et n’accorde que peu de valeur à l’amélioration de l’environnement des affaires en Chine”, avait accusé Bin Han, vice-représentant du pays à la Banque mondiale, lors d’une rare intervention publique fin 2012.
Face à la controverse, le président de la Banque Jim Yong Kim a dû se résoudre à mandater un audit externe dont les conclusions, publiées en juin, ont été sans appel, pointant des faiblesses méthodologiques et appelant à la suppression du classement.
“Aperçu limité”
Confronté à son premier test politique depuis sa nomination à l’été 2012, M. Kim a accepté des aménagements en plaçant les prochains “Doing business” sous l’autorité du chef économiste de la Banque mondiale. Mais il n’a pas cédé sur le classement qui constitue, selon lui, “un des ingrédients du succès” du rapport.
ête du classement de la Banque mondiale (Photo : Roslan Rahman) |
Cette édition 2014 ne devrait pas apaiser la colère de la Chine, la deuxième puissance économique mondiale étant reléguée de la 91e à la 96e place. Autre grand pays émergent, le Brésil progresse mais reste loin dans le classement (116e), tout comme l’Inde (134e).
“C’est un rapport de très mauvaise qualité. On classe des choses qui n’ont rien à voir entre elles. On n’est plus dans le domaine économique”, confie à l’AFP une source interne à la Banque, sous couvert de l’anonymat.
Certains résultats laissent songeur. Haïti, un des pays les plus pauvres du globe, arrive en 67e position en terme d’accès des PME à l’électricité alors que le Canada, pays du G20, pointe au 145e rang.
Sur l’indicateur mesurant la “protection des investisseurs”, le Sierra Leone, qui émerge de plusieurs décennies de guerre civile, occupe la 22e place du classement alors que la Suisse n’est que 170e.
La Banque se défend en assurant que son rapport n’a pas vocation de refléter l’attractivité d’un pays ou le dynamisme de sa croissance. “Ce n’est qu’un aperçu limité d’un des aspects de la compétitivité” des pays, a expliqué Augusto Lopez-Claros, directeur des indicateurs mondiaux de la BM, lors d’une conférence de presse téléphonique.
Selon lui, le classement doit être maintenu parce qu’il donne “une idée des meilleures pratiques” et qu’il pousse les pays à se réformer. Selon le nouveau rapport, 238 mesures facilitant la vie des PME ont été mises en ?uvre dans 114 pays au cours de l’année passée.
Chercheur au Center for Global Development, Scott Morris assure que la méthodologie doit être profondément revue mais il défend les vertus d’un classement.
“C’est une chance de pouvoir prendre des données et d’en faire quelque chose qui peut capter l’attention des dirigeants politiques”, indique à l’AFP cet ancien responsable du Trésor américain.
Les critiques visant le “Doing Business” ne sont pas nouvelles. Dès 2004, le gouvernement français avait fait part de sa “stupéfaction” à la lecture du rapport.