Crise : la décentralisation manquée attise le ressentiment breton

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économique de la Bretagne, à Rennes, le 30 octobre 2013 (Photo : Jean-Sebastien Evrard)

[31/10/2013 08:10:39] Rennes (AFP) Au-delà de l’écotaxe et des difficultés de l’agroalimentaire, l’une des clés du ressentiment actuel en Bretagne réside dans la profonde déception provoquée par le démantèlement du projet de réforme sur la décentralisation qui avait suscité de vifs espoirs dans la région.

A l’avant-veille de la grande manifestation à Quimper contre l’écotaxe, pour l’emploi et… pour la Bretagne, la question de la décentralisation reste présente à l’esprit des organisateurs.

“Pour résoudre la crise, un projet devrait naître et ça passe par des actes concrets: l’engagement ferme vers la régionalisation”, a affirmé à l’AFP le maire (DVG) de Carhaix-Plouguer (Finistère), Christian Troadec, l’un des initiateurs de la manifestation.

Selon l’élu breton, la décentralisation est “la seule réponse concrète aux problèmes qui sont les nôtres, avec une capacité de création et de libération des énergies, pour répondre à la mondialisation”.

Dans une région qui a voté majoritairement pour François Hollande en 2012, le fait d’avoir des ministres bretons à des postes clés – Jean-Yves Le Drian (Défense), Marylise Lebrachu (Réforme de l’Etat, Décentralisation, Fonction publique) – a alimenté l’espoir d’une nouvelle décentralisation.

D’autant que ce projet, donnant aux régions plus de pouvoir économique et politique, à l’image de ce qui se fait chez les voisins de la France, n’était pas en Bretagne l’apanage de petits partis autonomistes ou fédéralistes. Il était porté par le parti socialiste lui-même, tout particulièrement par l’ancien président de région qui n’était autre que Jean-Yves Le Drian.

En juin 2012, passant le flambeau à son successeur à la région, M. Le Drian, avait prononcé devant l’assemblée régionale un ardent plaidoyer en faveur de la décentralisation. “Loin d’être une quelconque menace pour la République, la décentralisation est une chance pour la République (…) Loin d’être un risque pour l’égalité, la décentralisation en est au contraire l’un de ses vecteurs (…) Loin d’être un poids pour la performance de notre économie, la décentralisation peut être, demain, le cadre d’une créativité nouvelle de nos territoires”, affirmait-il.

Projet vidé de sa substance

Mais le projet de loi sur la décentralisation, pourtant porté par Mme Lebranchu, a été totalement vidé de sa substance début 2013 et il n’est plus question au gouvernement d’un “acte III” de la décentralisation. Mme Lebranchu a évoqué une simple “évolution” de l’organisation territoriale.

Les responsables régionaux dénoncent pour leur part une absence de “transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités”.

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ouest de la France, le 26 octobre 2013 (Photo : Fred Tanneau)

Face à cette situation, en juin dernier, un “Comité de Convergence des Intérêts bretons” (CCIB), issu majoritairement des milieux patronaux, lançait “l’appel breton du 18 juin”. Il y dénonçait notamment “l’hypercentralisme français” et réclamait “une véritable décentralisation” ainsi que “le droit à l’expérimentation”.

Parmi les signataires du texte figurent des personnalités très bien insérées, particulièrement dans les milieux économiques et le syndicalisme agricole majoritaire.

L’organisation Produit en Bretagne (PeB), regroupant quelque 300 entreprises et plus de 100.000 salariés en fait partie. Son président, Jakez Bernard, qui soutient aussi la manifestation de samedi estime que “la construction d’une France avec des régions fortes, ne peut que renforcer l’image globale de la France”.

C’est dans ce contexte qu’a pris corps la mobilisation contre l’écotaxe avec la destruction, en août dernier, du portique de Guiclan (Finistère), près de Morlaix.

Interrogé récemment par l’AFP, Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS, assurait que pour sortir de la crise, “il faut une région (Bretagne) forte, en mesure de peser sur la transition économique et capable de lancer un dialogue entre tous les acteurs locaux”.

Selon lui, la transition, et notamment celle concernant l’agroalimentaire, “ne se fera pas à distance, dans le cabinet du Premier ministre”.