Les responsables de la BAD ont leur code et leur rite de communication. Ils évoquent la résilience des économies de l’Afrique du Nord. Mais particulièrement pour la Tunisie, ils s’étonnent de ce que le pays, naguère élève modèle du Continent, s’engage dans une logique économique “Destroy“. On chercherait à s’auto-saborder que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Gare au sevrage du financement de la BAD!
La Banque a organisé, mercredi 30 courant, un séminaire de “dissémination“ de son rapport 2013 dédié à la région sous le titre “La croissance résiliente dans les pays d’Afrique du Nord“. Etaient présents à cette manifestation Douja Gharbi (V/P de la CONECT), Chedly Ayari (gouverneur de la BCT), Zondo Sakala (V/P à la BAD), Jacob Kolster (directeur pour la région MENA) et Jalloul Ayed (ancien ministre des Finances dans le gouvernement de BCE et auteur du plan Jasmin).
BAD, l’ami des moments difficiles?
Depuis sa création, la BAD a cherché à émanciper les économies africaines. Mal parti, le continent avait besoin d’un partenaire compréhensif et à la fois engagé pour redresser la voie. La BAD s’est attachée à jouer ce rôle. Depuis deux ans, son président, le Dr Donald Kaberuka, rappelle non sans fierté que la BAD est passée devant la BM en matière d’engagements avec les Etats. En 2011 et 2012, l’enveloppe des crédits BAD accordée aux Etats est passée à 11 milliards de dollars US, contre 9 pour la BM.
Les “Eminent speakers“ invités régulièrement par la Banque dont le prix Nobel, Joseph Stiglitz, encadrent tout le travail de politiques de planification et d’assistance aux Etats.
Sur la région Afrique du Nord, à titre d’exemple, la BAD cumule un encours de crédits de 17 milliards de dollars US, dont 7,2 sont contractés par la Tunisie. La Banque, en soutien à la transition, a accordé en un temps record et loin de toutes les réserves d’usage, le crédit de 500 millions de dinars pour financer le budget 2012. Elle continue à espérer dans le génie entrepreneurial tunisien et voudrait voir la résilience de l’économie se conforter. Hélas, elle déplore le manque de cohérence de la politique économique suivie lors de la 2ème phase de la transition.
La résilience aggravée par la vulnérabilité et l’absence de plan quinquennal
Avec délicatesse, le rapporteur de la BAD a parlé de la résilience de l’économie tunisienne en faisant un focus sur la politique adoptée par le pays pour faire face à la crise de 2007. Il est vrai qu’à l’époque, le budget recelait quelques munitions de circonstance qui ont permis à l’Etat de se tirer d’affaire et notamment de subventionner l’emploi, au sein d’entreprises mises à mal par la crise.
Ce ne fut là qu’une riposte de fortune car de court terme et qui n’a fait qu’aggraver la vulnérabilité de l’économie négligeant les perspectives de long terme, notamment l’investissement et la compétitivité. Le pays était boudé par les IDE et depuis 2001, les flux d’investissement étrangers baissaient tendanciellement. Son impuissance à switcher vers un nouveau modèle économique a engourdi son dynamisme.
Un seul indice renseigne sur la détresse du pays. Près de 800.000 chômeurs et un taux de chômage supérieur à 32% chez les diplômés du supérieur. A cela viendront s’ajouter les erreurs méthodologiques qui ont contribué à la décadence économique actuelle.
La consigne du directoire de la BAD : “Ne faites pas de mal au pays“
Les contreperformances ne sont plus à démontrer. L’instabilité, l’insécurité et leur corollaire le terrorisme ont fait que le pays a été déserté par les IDE et boudé par les investisseurs locaux.
Avançant, à l’aveuglette, sans référent précis, à savoir en l’absence d’un plan quinquennal, le gouvernement n’est tenu d’aucune feuille de route. C’est l’absence d’arbitrage vertueux qui donnera une croissance rabougrie en 2013 et hypothétique en 2014.
Se penchant sur la question, le Conseil d’administration de la BAD s’en est ému et son cri du cœur fut “ne faites pas de mal au pays“. En effet, l’absence de volonté politique pour préserver l’économie est inexplicable, laissent entendre les panélistes. De toutes les réalisations qu’on aurait pu accomplir, on ne voit guère que l’informel qui progresse. C’est tout de même intriguant.