Confronté à la récente décision du centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) de ne plus accorder de report et d’inviter les deux parties du litige à présenter d’ici trois mois leurs arguments pour lui permettre de se prononcer sur le fond de l’affaire, l’Etat tunisien pourrait procéder à la liquidation de la Banque Franco-Tunisienne (BFT) dans l’espoir d’enterrer le dossier, du moins sur le plan interne. Car quoiqu’il fasse, il ne pourra pas empêcher le tribunal arbitral d’émettre une sentence qui a toutes les chances de lui être défavorable.
L’idée d’une solution imposée par le gouvernement tunisien en dehors de la procédure arbitrale a été discutée pour la première fois lors d’un conseil ministériel tenu le 13 décembre 2012 –dont nous avons pu lire le procès verbal- au cours duquel Nadia Gamha, une directrice générale à la Banque centrale de Tunisie (BCT), a présenté une note détaillant les quatre variantes de ce plan B: liquidation immédiate ou progressive, cession en l’état de la banque ou après assainissement et, enfin, absorption par la société-mère, la Société Tunisienne de Banque (STB). Le coût de ces différents scénarios se situe dans une fourchette allant de 60 à 130 millions d’euros.
La note recommande la cession à autrui en l’état considérée comme la meilleure solution ou, à défaut, la liquidation progressive. Comme le rappelle Nadia Gamha, l’Etat a déjà tenté à deux reprises de privatiser la banque et échoué à chaque fois. De plus, le CIRDI a fait remarquer, avant même de se déclarer compétent dans cette affaire, que la propriété des actions constituait justement le cœur du litige et a imposé aux autorités tunisiennes d’informer les candidats au rachat de l’existence d’une procédure arbitrale dans laquelle ABCI demande justement de récupérer ces titres.
Mais la Banque centrale rappelle également que les pouvoirs publics devront, en cas de cession, garantir au repreneur –ce qu’ils n’ont pas voulu faire auparavant- qu’il n’assumera pas les conséquences du litige avec ABCI.
Mais d’après nos informations, l’Etat serait plutôt tenté par la liquidation –dont le déclenchement doit commencer par une procédure visant à retirer l’agrément à l’actionnaire privé.
D’après la BCT, cette formule aussi comporte des avantages et des inconvénients. Les avantages sont au nombre de trois: conformité aux exigences légales de la loi sur les institutions de crédit en difficulté, fin de la gêne occasionnée à l’Etat, devant les bailleurs de fonds internationaux, de l’existence d’une banque en faillite et arrêt de l’hémorragie financière découlant du maintien de la BFT–dont les pertes s’élèvent à 1 million d’euros par mois- sous perfusion.
Toutefois, les inconvénients de la liquidation sont encore plus nombreux: possibilité pour ABCI d’arrêter l’opération, révision à la hausse du montant des compensations réclamées par cette dernière, risque de perte de confiance du public dans un système bancaire dont l’image est déjà ternie, et possible tentative de certains débiteurs pour éviter de rembourser les crédits contractés.
Sans oublier le coût (estimé de 14 à 50 millions d’euros selon le cas de figure) –mais cela est propre aux quatre scénarios- du licenciement ou de la mise à la retraite anticipée de 163 –sur un total de 215- employés âgés de moins de cinquante ans.