La nomination d’un nouveau responsable à la tête du grand quotidien national a provoqué une large contestation. Un phénomène qui n’est pas nouveau.
Nombre d’observateurs de la scène médiatique ont été étonnés de ne pas lire le nom de Mongi Gharbi, le jeudi 31 octobre 2013, à la Une du quotidien La Presse de Tunisie. Encore moins de trouver son CV et sa photographie toujours à la Une de ce quotidien. L’intéressé a été pourtant bien nommé, la veille, PDG de la SNIPE (Société nouvelle d’impression, de presse et d’édition) et directeur du journal La Presse de Tunisie.
Le lendemain, le journal publiait dans ses pages intérieures un compte-rendu d’une réunion tenue par le syndicat de base des employés de la SNIPE dans lequel on apprend que la nomination de Mongi Gharbi est contestée. Le texte parle d’une nomination «venue d’en haut». Et insiste sur une nécessaire «concertation» avant de procéder à une quelconque nomination.
Depuis l’ère de la dictature benalienne
Un conflit de plus diront sans doute quelques uns, dans les relations tumultueuses entre le pouvoir et le personnel, notamment les journalistes, qu’il s’agisse de la direction de la SNIPE ou de sa hiérarchie. Tantôt le Premier ministère, tantôt le ministère de la Communication ou encore la présidence du gouvernement. Car on l’oublie, des agitations ont caractérisé l’histoire des relations entre les deux parties depuis une dizaine d’années. Depuis l’ère de la dictature benalienne. Des sit-in ont été organisés et des motions ont été signées pour contester l’ordre établi.
Certes, mais cette fois on s’interroge encore sur les raisons qui ont poussé la présidence du gouvernement à nommer Mongi Gharbi et de remplacer Mohamed Néjib Ouerghi. Ce dernier a-t-il commis une erreur? A-t-on voulu, comme disent certains, le sanctionner pour la publication, le jour même de son limogeage, d’un article sur l’arrivée d’une cargaison de viande avariée au port de Radès? L’article reprend une source qui impliquerait un membre du gouvernement dans l’importation d’animaux malades? Mais tout le monde sait que depuis la révolution du 14 janvier 2011, la rédaction de La Presse de Tunisie s’est libérée de la tutelle du directeur du quotidien!
Pourquoi, par ailleurs, nommer une personne qui n’est qu’à trois moins de la retraite? Une personne qui décidait de surcroît, fin août 2013, de jeter le tablier: il a démissionné de son poste de rédacteur en chef qu’il occupait depuis janvier 2012. On soutient qui n’aurait pas caché, à cette occasion, notamment qu’il était «à quelques mois de la retraite» et qu’il n’avait «plus la force de travailler 12 heures par jour, 7 jours sur 7».
L’épisode Mongi Gharbi pose la question de la gouvernance des médias publics
Et puis, un gouvernement qui était sur le départ devait-il nommer un haut fonctionnaire? Le chef du gouvernement Ali Laârayedh a annoncé officiellement, le 24 octobre 2013, que son gouvernement allait démissionner dans les 15 jours comme le prévoyait la feuille de route du Dialogue national initié par le Quartet. Aussi, la décision de nommer Mongi Gharbi ne pouvait être interprétée que comme une volonté de continuer à occuper le terrain politique. D’autant plus que cela concernait un secteur sensible, celui des médias.
Autant dire que la nomination ne pouvait laisser indifférent. Et le blocage était attendu. Jusqu’à aujourd’hui, le nom de Mongi Gharbi n’est pas apparu à la Une du quotidien. Et il est fort probable que Mohamed Néjib Ouerghi ait de fortes chances de continuer son petit bonhomme de chemin à la tête de la SNIPE. En attendant qu’il soit peut-être remplacé plus tard par un autre confrère.
On s’acheminerait donc vers un scénario semblable à celui des nominations de Lotfi Touati à la tête du groupe de Dar Assabah (août 2012) et du Centre de Documentation Nationale (octobre 2012). Le gouvernement a été obligé dans les deux cas, on se souvient, de céder devant la contestation. Il le fera d’autant plus aujourd’hui qu’il s’apprête à quitter la scène.
Reste l’essentiel: l’épisode Mongi Gharbi pose la question de la gouvernance des médias publics. Terrain sur lequel les gouvernements à venir –et pas seulement celui qui remplacera celui d’Ali Laarayedh- devront engager tôt ou tard des réformes!