Eh oui… serions-nous tentés de répondre à ceux qui dorment encore et qui ne connaissent des Allemands que leur incontournable premier marché émetteur de voyageurs dans le monde.
Après avoir façonné et lancé bien des destinations, y compris la Tunisie au début des années 60, l’Allemagne est désormais une destination touristique à part entière. En 2012, elle a été classée 7ème destination mondiale, en termes d’arrivées avec 30,4 millions, assurant des recettes qui s’élèvent à 38,1 milliards de dollars. L’Allemagne est le leader mondial du tourisme d’affaires avec une part de marché de 11% des voyages d’affaires internationaux.
La promotion touristique allemande relève de la «Deutsche Zentrale fur Tourismus» (DZT), association créée en 1948, qui dépend du ministère de l’Economie. Depuis 2012, celle–ci est seulement chargée de la promotion touristique de l’Allemagne à l’étranger. La promotion de l’Allemagne sur le marché domestique est assurée par les Länder, c’est-à-dire les régions.
La DZT a deux objectifs: renforcer l’image positive de l’Allemagne et de ses différentes destinations à l’étranger, et accroître le nombre de nuitées touristiques. Pour cela, elle dispose de 30 bureaux à travers le monde dont 11 sont gérés directement par la DZT. Les autres le sont dans le cadre de partenariats.
Il est important de retenir que le budget de DZT était de 34,9 M€ en 2011 (après avoir atteint 36,4 M€ en 2010) avec une subvention de l’Etat de 27,2 M€. Près des 3/4 du budget proviennent du ministère de l’Economie, le reste provient des Länder, qui sont des partenaires à part entière et totalement adhérents à la DZT (organismes institutionnels et entreprises privées) ainsi que des ventes de prestations.
D’autre part, l’Office national allemand du Tourisme (ONAT), est le «syndicat d’initiative» national de l’Allemagne. Il promeut ses activités touristiques pour le compte du ministère fédéral de l’Économie et de la Technologie (BMWI). L’ONAT élabore des stratégies et des produits visant à renforcer l’image positive des destinations touristiques allemandes à l’étranger et à stimuler le tourisme en Allemagne. Pour mener à bien cette mission, il possède 30 représentations locales dans le monde.
Un pari sur la jeunesse, la culture, la nature
Depuis plusieurs années, l’Allemagne détient le titre du pays générant le plus de déplacements internationaux dans le monde. Ses ressortissants sont de très grands dépensiers. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), leurs dépenses se sont élevées à plus de 83 milliards USD en 2007. À titre comparatif, celles du tourisme international se chiffraient à 76 milliards USD pour les États-Unis, 72 pour le Royaume-Uni, 37 pour la France et 30 pour la Chine.
A l’étranger, le modèle allemand est vu comme une réussite économique et sociale avec un chômage très réduit. La rigueur Allemande et les grandes marques des entreprises allemandes aident à construire peu à peu une image positive et culturelle de la destination.
Les Allemands que l’on dit aimer et respecter la nature, le service soigné, le bon rapport qualité/prix développent alors une offre intelligente et de niche et parient sur le culturel, l’écotourisme… Le marché affûte des stratégies qui conviennent à une population chamboulée puis réunifiée au lendemain de la chute du mur de Berlin.
Le résultat ne se fait pas attendre. Au bout de près de deux décennies d’investissements, le secteur touristique devient central dans l’économie allemande, représente 2,9 millions d’emplois directs, 4,4% du PIB (en 2012, le tourisme a dépassé les secteurs de la construction (4,3% du PIB) et de l’automobile (2,4%) et devient ainsi une des destinations préférées des voyageurs européens.
Les raisons de ce succès sont multiples. En plus de sa bonne image à l’international, le pays offre un excellent rapport qualité/prix, surtout dans l’hôtellerie, où l’on constate un tarif moyen à 64 euros, contre 104 dans le reste de l’Europe.
La destination propose aussi une grande diversité des paysages. Avec 14 parcs nationaux, 101 parcs naturels et 15 réserves naturelles. Un réseau des chemins de randonnée qui s’étend sur plus de 190.000 kilomètres. Les cyclotouristes peuvent aussi profiter de 50.000 kilomètres de pistes cyclables. Avec 330 stations thermales et balnéaires allemandes, les vacances bien-être sont aussi importantes. Le culturel n’est pas en reste. L’Allemagne revendique le leadership européen dans les voyages culturels effectués par la population de l’Union européenne, avec 12% de parts de marché et met en avant ses 37 sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco autour desquels elle a su créer de la richesse. Dans le pays, les visiteurs n’auront que l’embarras du choix avec les 6.250 musées, les 6.000 expositions annuelles…
Faut-il continuer ainsi à énumérer les pas de géant qu’a pu réaliser l’Allemagne en devenant une destination touristique à part entière? Faut-il se rappeler que l’Allemagne s’est détournée de la destination Tunisie depuis les attentats de Djerba?
Un modèle pour la Tunisie?
Au-delà des facteurs conjoncturels, ce sont la qualité des prestations, un environnement approximatif et un produit si peu en phase avec les attentes et les motivations du touriste allemand qui ont fait que ce marché a dégringolé dans notre pays.
En 2011, une baisse de 41% des flux touristiques a été réenregistrée puisqu’au cours de la même année, seuls 270.000 touristes ont choisi notre pays comme destination de vacances contre 458.600 en 2010. Il est en effet bien loin le temps où la Tunisie réalisait plus d’un million de touristes allemands annuellement!
Même si au lendemain des perturbations liées au «Printemps arabe» dans la région, les Allemands reviennent timidement vers la Tunisie, nous sommes en mesure de se demander si cela est lié à l’adéquation de l’offre avec les attentes ou plus «grâce» à la crise que connaît le tourisme égyptien.
Avec 82,5 millions d’habitants, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union européenne. Depuis quelques années, d’importantes transformations se sont opérées au niveau des comportements du marché et de ses attentes. Les Allemands bénéficient de 6 semaines de vacances dans l’année et dédient en moyenne 4% de leur revenu au budget des vacances à l’étranger. Le classement de leurs destinations préférées a aussi changé. L’Espagne, l’Autriche et l’Italie occupent désormais le haut du podium. La France, longtemps favorite, est reléguée depuis 2000 à la quatrième position.
Aujourd’hui, l’Allemagne fournit de grands efforts pour entourer la Tunisie durant sa phase de transition. La révolution tunisienne et les perturbations dans la région portent de profondes turbulences sur le tourisme. Il est essentiel de rester prudent aux modèles à bâtir et à la manière de déconstruire ceux qui ont fait faillite.
Car au delà de tout, il s’agit d’avoir les moyens pour choisir. En l’état actuel des choses, il est impératif de s’engager sur des voies innovantes et prudentes pour faire repartir la machine touristique tunisienne et à moindre coût. Avec efficience et inventivité. En cela, le modèle allemand est un exemple.