ès de la frontière inter-coréennes, le 25 septembre 2013 (Photo : Kim Doo-Ho) |
[06/11/2013 08:09:28] Séoul (AFP) Qui voudrait investir dans un site industriel cogéré par deux pays techniquement en guerre, aux relations notoirement tendues, et se parlant à peine? La Corée du Sud tente pourtant de convaincre des entreprises étrangères de s’installer à Kaesong, qu’elle exploite avec son voisin du Nord.
Ce parc industriel situé à une dizaine de kilomètres de la frontière inter-coréenne côté Nord vient de rouvrir cinq mois après sa fermeture soudaine, décidée par Pyongyang au plus haut d’une nouvelle crise avec Séoul.
La Corée du Sud estime que la présence d’investisseurs étrangers à Kaesong rendrait plus difficile pour le Nord de fermer unilatéralement le site en cas de nouvelles tensions. Quelque 53.000 Nord-Coréens y sont employés au sein d’entreprises manufacturières sud-coréennes, qui fabriquent chaussures, vêtements, objets divers.
Mais quels étrangers pourraient donc être intéressés? “C’est une question très difficile”, a reconnu Ryoo Kihl-Jae, le ministre sud-coréen de l’Unification, chargé des relations avec le Nord. “Le problème n’est pas de savoir si c’est possible, ou non. C’est une étape nécessaire et souhaitable”, a-t-il déclaré à des journalistes de la presse étrangère.
Kaesong est un enfant de la diplomatie, et non de l’économie. Né de la politique de réconciliation baptisée “Rayon de soleil” et initiée à la fin des années 90 par le président sud-coréen de l’époque, le site a ouvert en 2004.
Il a jusqu’à cette année fait preuve d’une belle résistance, poursuivant ses activités même lors des périodes les plus tendues sur la péninsule.
ès de la frontière inter-coréennes, le 25 septembre 2013 (Photo : Kim Doo-Ho) |
Sa fermeture en avril avait surpris les observateurs, d’autant que le Nord est le principal bénéficiaire de cette coopération. Pyongyang garde les salaires payés en devises étrangères par les quelque 120 entreprises sud-coréennes présentes sur le site, n’en reversant qu’une petite partie –en monnaie nord-coréenne– aux ouvriers.
Les entreprises sud-coréennes ont elles accès à une main d’oeuvre bon marché et parlant le coréen, ainsi qu’à des prêts à des taux préférentiels et des réductions d’impôts, alloués par Séoul.
Une entité diplomatique plus que commerciale
“Kaesong n’a pas été conçu et n’a jamais été vraiment géré comme une entité commerciale. Ca a toujours été une entité diplomatique”, souligne Go Myong-Hun, analyste au centre d’études Asan Institute à Séoul.
“C’est utile pour la Corée du Sud car ça peut inciter la Corée du Nord à négocier (…) mais il est difficile d’imaginer pourquoi un investisseur étranger sain d’esprit voudrait s’installer là-bas”, ajoute-t-il auprès de l’AFP.
Les investissements étrangers sont théoriquement possibles et certains groupes y ont même songé. Aucun n’a toutefois sauté le pas.
Le gouvernement sud-coréen envisage de proposer aux non sud-coréens une partie des avantages accordés aux investisseurs nationaux, tels qu’une assurance payée par l’Etat contre le risque de fermeture inopinée.
Mais le risque d’instabilité, causé par la mésentente profonde entre les deux voisins et cogérants, représente un obstacle qui a jusqu’à présent découragé les plus audacieux.
“L’internationalisation de Kaesong ne prendra pas en l’absence de mesures drastiques pour libérer totalement cette zone d’arrières-pensées politiques”, déclare Yang Un-Chul, expert sur l’économie nord-coréenne à l’institut Sejong à Séoul.
Il estime que seules quelques entreprises russes ou chinoises pourraient être intéressées. Et peut-être des entrepreneurs américains d’origine coréenne, qui agiraient par patriotisme. “Mais même (concernant ces groupes), je suis très sceptique”.
Lors de la création de Kaesong, Séoul espérait que le site servirait de porte d’entrée à des réformes économiques en Corée du Nord. Cet espoir s’est avéré vain.
“La Corée du Nord a veillé à ce que Kaesong reste totalement hermétique”, note Go Myong-Hun. Kaesong “n’a pas été particulièrement utile en matière de contacts entre les personnes (qui y travaillent) ou d’apprentissage en Corée du Nord de l’économie de marché”.