Lufthansa accusée d’avoir fiché illégalement ses salariés en France

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éroport de Dusseldorf (Photo : Federico Gambarini)

[08/11/2013 16:40:13] Bobigny (AFP) Situation familiale, opinions politiques, état de santé: accusée d’avoir fiché des salariés travaillant à l’aéroport parisien de Roissy, la compagnie aérienne Lufthansa est visée par une plainte d’un syndicat français, qui dénonce une “culture de surveillance” au sein du groupe allemand.

La plainte, déposée début novembre au parquet de Bobigny par un responsable syndical de la compagnie et par le syndicat Unsa Transport, vise des faits d'”atteinte aux droits de la personne”, a indiqué à l’AFP l’avocat des plaignants, Olivier Villevieille.

Le fichier incriminé, un document d’une dizaine de pages rédigé à la main et en allemand, “a été découvert par hasard” sur le bureau d’un cadre de Lufthansa, alors directeur d’escale de la branche française de la compagnie.

“C’est une note de transmission, destinée à un autre cadre dirigeant. Elle liste une cinquantaine de salariés de la compagnie avec en-dessous des noms une série de qualificatifs, parfois positifs mais le plus souvent négatifs”, explique Me Villevieille.

“Manque de maturité”, “maladie chronique: durée de vie limitée, a participé à la grève”, “la léthargie en personne”… Les annotations portées sur le document, que l’AFP a pu consulter, mêlent jugements de valeurs et informations d’ordre privé sur les salariés.

“Parfois, il est question de leurs activités syndicales, parfois de leur état de santé ou de leur famille”, souligne l’avocat. “Pour un salarié, il est écrit qu’il est séropositif. Pour un autre, qu’il a un enfant handicapé. Pour une autre encore, qu’elle a un mari indien”.

“Rat gauchiste”

Contactée par l’AFP, la compagnie aérienne a confirmé l’existence de ce document, précisant avoir “pris connaissance de l’existence des notes manuscrites prises par l’un de ses managers en France cet été”.

“Lufthansa regrette le fait que ces notes ont été prises, dans la mesure où elles ne reflètent d’aucune façon les valeurs” de la compagnie, a assuré un porte-parole du groupe. “Ce comportement est en complète contradiction avec les valeurs de Lufthansa et, pour cette raison, Lufthansa a immédiatement pris des mesures disciplinaires et a remplacé le manager responsable”, a-t-il ajouté.

Mais selon Franck Bonot, délégué syndical Unsa et secrétaire du comité d’entreprise de Lufthansa France, ce cadre a simplement été muté début août en Allemagne, où il occupe désormais la fonction de directeur d’escale Europe.

“Il n’y a pas eu de sanction, sa mutation s’apparente plutôt à une promotion”, assure M. Bonot, à l’origine de la plainte contre la compagnie aérienne, qui estime que le “fichage était institué dans l’entreprise”.

A l’appui de cette accusation: une mention inscrite en haut du document, “transmission CDGSL” (nom donné à l’escale de Roissy-Charles-de-Gaulle). La preuve, selon lui, que le document est “destiné à être transmis” et “diffusé” entre dirigeants.

“Ca n’est pas un acte isolé”, affirme le responsable syndical, qualifié de “rat gauchiste” dans le document. “Cela résulte d’une culture de surveillance au sein de l’entreprise”, accuse-t-il.

La plainte intervient dans un contexte social difficile au sein de la compagnie aérienne, visée par un plan de restructuration qui prévoit la suppression de 199 postes en France sur les 262 actuels, selon les syndicats.

Elle fait écho à d’autres affaires de surveillance illégale de salariés survenues ces dernières années, en France et en Allemagne.

En France, le géant suédois de l’ameublement Ikea fait ainsi l’objet, depuis 2012, d’une vaste enquête pour soupçons d’espionnage illicite de ses salariés et de ses clients. Ces investigations ont donné lieu à une dizaine de mises en examen.

En Allemagne, plusieurs grandes entreprises ont également été impliquées dans des affaires d’espionnage, à l’instar du groupe de distribution Lidl, qui a reconnu en 2009 avoir rassemblé des données concernant l’état de santé de certains salariés.