L’impossibilité pour la classe politique de s’entendre sur une candidature à la présidence du gouvernement irrite certes l’ensemble des Tunisiens. Néanmoins, elle peut être perçue comme une heureuse opportunité pour investir dans les institutions et ancrer des traditions démocratiques pérennes qui transcendent les individualités.
Effectivement, la difficulté de trouver cet oiseau rare, voire ce chef de gouvernement rassembleur, peut être contournée par la constitutionnalisation des institutions républicaines et la garantie de leur neutralité au grand bonheur de tous les partis politiques, qu’ils soient du centre, de droite ou de gauche, et ce pour des décennies. Une chose est sûre: tous les Tunisiens peuvent y trouver leur compte.
Parmi les institutions républicaines qui gagneraient à être neutres et mobilisées uniquement pour l’intérêt supérieur du pays et de la sérénité des tunisiens, il y en a au moins six.
La première institution concernée est manifestement l’armée. Tout en préservant la principale mission qui lui est dévolue, celle-là même qui consiste à défendre plus de 3.000 kms de frontières, notre armée gagnerait à être promue à une armée de métier, une armée régulière bien équipée et composée exclusivement de militaires professionnels à plein temps et de volontaires (ou de contractés) bien payés.
La seconde institution n’est autre que la police. Pour en améliorer le rendement, la classe politique a intérêt à délester le ministère de l’Intérieur du dossier encombrant des “collectivités locales“ et à accélérer la mise en place d’une agence de renseignements, voire d’une sorte de FBI tunisienne. Cette agence, dont le projet est concocté actuellement par le ministère de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, sera républicaine, indépendante politiquement (absence d’instructions extérieures), neutre et moderne en phase avec les exigences d’un Etat de droit et du strict respect de la loi, et à même d’anticiper les actes terroristes déstabilisateurs pouvant porter préjudicie aux intérêts supérieurs du pays.
Elle doit traiter tous les Tunisiens sur un pied d’égalité.
Vient ensuite la justice qui a intérêt à gagner en indépendante et en efficience. Car seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des lois.
La quatrième institution est celle de la liberté de la presse. Cette institution est retenue comme l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d’opinion, la liberté mentale et d’expression.
Cette liberté est consacrée, de manière claire, dans toutes les Constitutions des pays démocratiques. La Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 relevait déjà que: «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme: tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi».
La cinquième institution est celle qui gère le délicat dossier de la religion dans le pays. L’objectif est de séparer la religion des affaires de l’Etat et de veiller à la neutralité des mosquées à travers la mise en place de mécanismes favorisant leur contrôle.
Concrètement, il s’agit de sommer les imams-prédicateurs à s’engager dans leur prêche à respecter l’éthique du discours religieux et les règles régissant les lieux de culte, fondées sur la bonne prédication, l’orientation et la lutte contre la corruption. Il s’agit également pour eux d’éviter d’attiser la haine, la diffamation, les appels au djihad et au meurtre des laïcs, de ne pas exploiter les lieux de culte à des fins politiques et d’appliquer la loi en cas d’abus.
Last and not least, le dernier secteur républicain dont les Tunisiens doivent attendre des améliorations sensibles de la qualité de l’homme est manifestement le secteur de l’éducation avec ces trois cycles (primaire, secondaire et universitaire).
Ce secteur devrait faire l’objet en toute urgence d’un audit drastique qui sera suivi d’une réforme radicale à même de conférer à l’éducation plus d’efficience et plus d’employabilité.
Selon les experts, l’accent devrait être mis, au niveau des programmes, sur l’équilibre entre les matières scientifiques et les matières traitant de la philosophie et des sciences humaines, l’objectif étant de former des jeunes générations éclairées.
Il va de soi que la consécration de la dimension républicaine de ces institutions et la garantie de leur neutralité suppose de la communauté nationale des sacrifices et un surcroît d’efforts matériels pour améliorer leur attractivité à tous les niveaux. Il y va de ses intérêts stratégiques. A bon entendeur.