Inflation et pénuries au Venezuela, le remède pire que le mal ?

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équipements électroniques à Caracas le 13 novembre 2013 (Photo : Juan Barreto)

[14/11/2013 06:39:43] Caracas (AFP) Baisses forcées des prix et volonté de limiter les bénéfices du secteur marchand au Venezuela inquiètent des analystes, qui doutent que de l’efficacité de ces mesures dictées par le président Nicolas Maduro pour lutter contre une inflation record et des pénuries récurrentes.

A trois semaines d’élections municipales cruciales pour le gouvernement, M. Maduro, élu sur le fil en avril, s’est autoproclamé “Président justicier” et a notamment imposé ce week-end des rabais de 50 ou 60% dans les magasins d’électroménager, provoquant une ruée sur ces produits, dégénérant ici ou là en saccages isolés.

“Les pénuries vont s’accentuer” parce qu’une fois les stocks des magasins écoulés, “ils vont avoir des problèmes pour les reconstituer car (les autorités) les obligent à vendre leurs produits à un prix inférieur à la réalité”, pronostique pour l’AFP l’économiste José Guerra.

L’inflation annuelle en octobre dépasse les 54%, due selon les analystes à l’augmentation des émissions monétaires, et malgré des revenus pétroliers de 93 milliards de dollars en 2012, le détenteur des plus importantes réserves de brut au monde souffre d’un manque de devises en raison des importations croissantes de biens de base, comme les aliments ou les produits hygiéniques.

Les mesures anti-inflation sont aussi contestées par M. Guerra car elles ne concernent pas les aliments, “grand facteur” de hausse des prix.

Nicolas Maduro qualifie la situation de “guerre économique”, menée par “la bourgeoisie” (comprendre le secteur privé et l’opposition politique) soutenue par les Etats-Unis. Il tire à boulets rouges sur cette “bourgeoisie parasite” usurière et spéculatrice responsable selon lui de la flambée des prix.

Il affirme que les importateurs achètent avec des dollars officiels – les autorités imposent depuis 2003 un strict contrôle des changes – des produits qu’ils revendent ensuite au taux du dollar parallèle (huit fois plus cher).

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à Caracas le 12 novembre 2013 (Photo : Leo Ramirez)

De nombreux sites internet diffusant la cotisation du dollar parallèle ont d’ailleurs été fermés ces dernières heures par les autorités.

Les récentes mesures annoncées visent à établir “un nouvel ordre économique”, assure le président Maduro dont la croisade contre la vie chère touche également les secteurs de l’électronique, de l’habillement, des jouets ou de l’automobile, produits parmi les plus demandés à l’approche de Noël, alors que se dérouleront par ailleurs des élections municipales le 8 décembre.

“Capter l’électorat”

L’opposition, dont le candidat Henrique Capriles a été battu de 1,49% à la présidentielle d’avril organisée après le décès en mars de l’ancien président Hugo Chavez, présente ce scrutin municipal comme un plébiscite sur la gestion de son dauphin, Nicolas Maduro.

Par ailleurs, le président a annoncé son intention d’étendre le contrôle des prix à tout l’appareil productif du pays dès que l’Assemblée lui aurait octroyé les “pleins pouvoirs”, comme il en a fait la demande mi-octobre. Et des mettre en prison les “spéculateurs”.

Victor Maldonado, directeur exécutif de la Chambre de commerce de Caracas, avertit que beaucoup de chaînes de magasins contraintes à baisser leurs tarifs vont faire faillite.

Si les commerces sont “obligés de vendre au-dessous du coût actuel et doivent en plus rembourser l’argent” encaissé pour avoir pratiqué des “prix prétendument spéculatifs, il leur sera impossible de s’en remettre”, a-t-il affirmé dans le journal Ultimas Noticias.

Mais le député de la majorité socialiste Andrés Eloy Méndez a démenti que la régulation des prix affecte le marché et assuré que le gouvernement “continuera de protéger le salaire des Vénézuéliens avec des mesures qui leur permettront d’acquérir des biens et des services à des prix justes”.

Pour l’analyste politique Luis Vicente Leon, ces mesures ont pour véritable but de “capter l’électorat” en vue des municipales.

Selon lui, le gouvernement “s’attaque aux conséquences plutôt qu’aux causes” de la crise économique, due à la surévaluation de la monnaie locale, le bolivar, au gel des prix et à la faible productivité d’entreprises expropriées par le pouvoir tout au long des mandats de Hugo Chavez (1999-2013)

Mais malgré les appels insistant en faveur d’une nouvelle dévaluation – après celle intervenue en février – afin de pouvoir financer le gigantesque appareil d’Etat dont a hérité le président, le ministre des Finances Nelson Merentes a répété mercredi qu’il n’en était pas question.