Dans la course à la succession au chef du gouvernement, les candidats “politiques“ se trouvent discrédités du fait de leurs accointances partisanes supposées ou réelles. Par conséquent, et pour faire repartir le dialogue dans une perspective concrète de succès, l’on doit ouvrir la compétition aux personnalités de la société civile, qui satisfont à la condition de l’indépendance, vis-à-vis des partis, et de l’engagement patriotique.
Le travail de profilage du candidat consensuel à la présidence du gouvernement bute sur un climat de méfiance générale. Les personnalités politiques sont suspectées de sympathies partisanes cachées. Cela a empoisonné le processus et tétanisé le dialogue.
Qu’y faire? Etant donné que la révolution a permis à la société civile d’émerger autant l’intégrer au jeu politique et la faire intervenir comme contrepoids pour dégager le pays de la crise qui le fige. Dès lors, pourquoi ne pas élargir le cercle des candidats à la présidence du gouvernement aux identités remarquables de la société civile?
Bridger le clivage politique
Les craintes quant à d’éventuelles collusions entre les personnalités politiques nominées, avec les partis, ont fait blocus, écartant des personnalités méritantes. De peur de voir le dialogue national s’enliser dans une guerre de positions, Abdelwahab Héni, président du parti Al Majd, loin de tout calcul partisan, a suggéré le nom de Chedly Ben Ammar, figure connue, reconnue et respectée sur la scène nationale.
Chedly Ben Ammar s’est exprimé dans nos colonnes à maintes reprises. Il a développé sa pensée politique en toute sincérité, avec cohérence et une foi démocratique. Il est apparu dans une posture de figure de proue, avec pour seul repère “la cause du peuple“, et pour valeur suprême “le service de la patrie“. Indépendant des partis, à égale distance de tous, on peut parier qu’il saurait se maintenir loin de toute interférence. Sa volonté de préserver l’unité nationale le portera à bridger le clivage politique actuel. Neutralisant la répulsion entre rivaux politiques, il est tout à fait apte à conduire le pays vers un compromis qui pourrait être agréé de tous.
Vista. Sens du leadership
Bien avant le scrutin d’octobre 2011, Chedly Ben Ammar soutenait que le choix de la Constituante était un choix hasardeux. L’inexpérience électorale, selon lui, nous exposait à une ANC dominée par un bloc hégémonique pouvant bloquer le jeu démocratique. Il avait prédit l’allongement, à rebondissement, du processus de transition. L’actualité lui donne, malheureusement, raison.
Son pragmatisme le faisait pencher pour un toilettage démocratique de la Constitution de 1959. Cela aurait suffi à nous procurer une Constitution en phase avec les aspirations populaires.
Ensuite, on serait allé vers des élections législatives ensuite vers la présidentielle, au suffrage universel. La parenthèse de transition aurait été bouclée en un minimum de temps, évitant l’errance politique actuelle. L’économie en aurait, considérablement, profité.
Qu’à cela ne tienne. Son réalisme le pousse à dépasser ces contingences et à composer avec les faits. Réagissant au dialogue national, il s’est prononcé pour un gouvernement civil*, en référence à un épisode particulier de notre histoire récente. Son souci était, en faisant vite et bien, de replâtrer l’unité nationale, déjà bien entamée.
Eminence du nationalisme
Chedly Ben Ammar s’est fait une conscience politique très tôt dans le sillage de la trajectoire patriotique de son père, Tahar Ben Ammar, figure illustre, signataire du protocole d’indépendance de la Tunisie. C’est lui qui a été l’éminence de la conscience nationaliste, réunissant la première garde patriotique qui a engagé, dès l’année 1919, la lutte contre la puissance coloniale.
Lui aussi était indépendant de toutes les structures politiques organisées mais qu’il a su fédérer par son leadership et son rayonnement personnel.
Chef du gouvernement de 1954 à 1956, Tahar Ben Ammar a mené les négociations pour l’autonomie interne et, enfin, l’indépendance avec la puissance coloniale. C’est lui qui a intercédé, en avril 1956, auprès du Bey, pour appeler le leader Habib Bourguiba aux affaires.
Bourguiba l’a récompensé de la manière que l’on connaît. Chedly Ben Ammar a été instruit à l’amour de la patrie et éduqué au service de la Tunisie. Il a cultivé la certitude que l’unité nationale est le socle citoyen nécessaire à l’édifice de l’Etat. Il est difficile de croire qu’il se dérobera à l’appel du devoir, et qu’il se mettra, sans hésiter, au service de la patrie, si l’appel lui est adressé.
Formaté à la cause du peuple dans le périmètre du nationalisme patriotique, Chedly Ben Ammar est prédestiné à apporter une énergie conciliante à la Tunisie qui convulse sous l’effet des tiraillements partisans.
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