ée nationale à Paris (Photo : Fred Dufour) |
[15/11/2013 20:01:01] Paris (AFP) Le gouvernement a fait face vendredi à une offensive victorieuse des députés socialistes contre les techniques légales de grandes entreprises pour payer moins d’impôts, au dernier jour de la discussion en première lecture du budget 2014, qui sera voté mardi.
A l’heure de la rigueur budgétaire mais aussi du ras-le-bol fiscal, l’objectif des parlementaires était de durcir la lutte contre un système structuré grâce auquel des grandes entreprises cherchent à réduire au maximum leur impôt sur les bénéfices.
Le ministre délégué au Budget, Bernard Cazeneuve, s’en est remis “à la sagesse de l’Assemblée” sur la plupart des amendements. Clamant que le sujet était “majeur pour le gouvernement”, mais aussi que beaucoup avait déjà été fait depuis 18 mois, il a néanmoins mis en garde les députés sur la nécessité d’être “absolument irréprochable techniquement et juridiquement” vu “la complexité des sujets et l’agilité des fraudeurs”.
Le rôle des parlementaires est bien d’adapter la loi et de “porter l’impatience des Français”, a lancé Pascal Cherki (PS), tandis que sa collègue Karine Berger a invoqué François Mitterrand, “l’impôt dû, c’est un acte citoyen pour les entreprises comme les particuliers”.
Les députés socialistes mais aussi écologistes ont fait voter, en l’absence de l’opposition, l’obligation pour les promoteurs, ou à défaut les utilisateurs, de montages d’optimisation fiscale de les communiquer au fisc avant leur mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2015. Une mesure inspirée de la Grande-Bretagne.
L’un des changements majeurs adoptés, à l’initiative du député Pierre-Alain Muet, qui porte sur quelques mots dans la législation mais qui peut peser “des milliards” aux dires des élus PS, entend faciliter au fisc les redressements d’entreprises pour abus de droit.
L’abus de droit, “c’est quand huit entreprises du CAC 40 ne payent pas d’impôt sur les sociétés en France”, a dit comme exemple Mme Berger.
‘Opposer la pression citoyenne’
Une campagne, lancée jeudi sur internet par l’ONG militante Avaaz sous le titre “Robin des Bois à l’envers” en soutien à cet amendement pour “opposer la pression citoyenne à celle des lobbys”, avait recueilli quelque 109.000 signatures vendredi après-midi.
L’un des principaux leviers utilisé par de grandes entreprises pour échapper à l’impôt, les prix de transfert (facturation des échanges avec ou entre filiales) a été visé par plusieurs amendements, certains votés, d’autres retirés.
Plusieurs de ces mesures découlent du rapport de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international publié en juillet par Pierre-Alain Muet. L’ex-ministre UMP du Budget Eric Woerth, absent vendredi, était le président de cette mission.
“Quand on regarde l’optimisation fiscale à grande échelle faite par les entreprises multinationales, on s’aperçoit qu’en fait c’est très proche de l’évasion fiscale” puisque “c’est contourner l’esprit des législations nationale en utilisant toutes les failles”, avait souligné à l’époque M. Muet, économiste de formation.
Ainsi, les cinq grandes entreprises mondiales du numérique (Google, Amazon, Facebook, Microsoft et Apple), qui feraient au total 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, y payent 37 millions d’euros d’impôt sur les sociétés au lieu de 800 millions, selon la Fédération française des télécoms.
Avant de s’attaquer à l’optimisation fiscale, les députés ont voté dans la matinée, entre autres, un report d’un an, à début 2015, de la hausse de la taxe sur le foncier non bâti mais une exonération pour les agriculteurs, proposée par le gouvernement après une levée de boucliers.
Si l’UMP a jugé ces mesures “bienvenues”, l’ex-président de l’Assemblée Bernard Accoyer a considéré ensuite que ce “premier recul (…) n’apaisait pas l’angoisse des propriétaires comme il ne protège pas les agriculteurs”.
A l’issue de cette première lecture, qui s’est achevée en fin d’après-midi, l’ensemble du projet de loi de finances 2014 (recettes et dépenses), sera soumis au vote solennel de l’Assemblée mardi puis examiné par le Sénat dès jeudi.