La TVA prise à son tour dans la grogne fiscale

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ût 2013 à Lille de figurines posées devant des lettres composant le sigle TVA en référence à la taxe sur la valeur ajoutée (Photo : Philippe Huguen)

[18/11/2013 15:14:52] Paris (AFP) Elle est contestée par les ambulanciers, les centres équestres, les restaurateurs… Bercy compte sur l’augmentation de la TVA pour colmater le budget, mais voilà cette taxe rattrapée par la grogne fiscale.

POURQUOI LA GROGNE?

La taxe sur la valeur ajoutée, facturée aux clients sur les biens ou services qu’ils consomment, déclarée par les professionnels, doit augmenter le 1er janvier. Cette hausse a été votée il y a un an déjà.

Cette taxe suit trois taux différents, et doit évoluer ainsi: stabilité à 5,5% du taux réduit réservé aux produits de première nécessité, hausse de 7% à 10% du taux intermédiaire et relèvement de 19,6% à 20% du taux normal.

QUI GROGNE?

Le vote n’avait guère fait de vagues il y a un an, mais depuis quelques semaines, le mécontentement monte dans certaines professions concernées par le taux réduit et le taux intermédiaire.

Sont mobilisés: les centres équestres, qui font défiler des chevaux et poneys dans diverses villes de France; les ambulanciers, qui craignent de perdre 13.000 emplois; les professionnels de l’hôtellerie-restauration, qui crient au “matraquage fiscal”; les artisans du bâtiment, qui réclament un taux réduit plus généreusement appliqué aux travaux de rénovation thermique; la SNCF; les maires de France en raison du coût de la collecte des déchets ménagers.

Dans le champ politique, certains dans l’opposition donnent de la voix, ainsi Christian Jacob, chef de file des députés UMP, qui a qualifié lundi la hausse d’ “irresponsable”. A gauche également, la mesure fait débat: le courant “Maintenant la gauche”, de l’aile gauche du PS, demande d’y renoncer. Le Front de gauche et la CGT protestent contre une mesure qui s’applique sans distinction aux plus modestes comme aux plus aisés.

QUI NE GROGNE PAS, OU PEU?

Le président du Medef Pierre Gattaz soutient la hausse, pour autant qu’elle reste “mesurée” et serve à abaisser le coût du travail en France.

Au ministère de l’Economie, jusqu’ici, pas question de revenir en arrière, surtout après une série de revirements. “Nous allons bien entendu maintenir ces deux taux de TVA qui ont été votés (…) parce que c’est le moyen de financement de l’allègement du coût du travail”, a martelé dimanche le ministre du Budget Bernard Cazeneuve.

COMBIEN COÛTERAIT UNE VOLTE-FACE?

Les recettes issues de la TVA sont estimées au total dans le budget 2014 à 139,3 milliards d’euros. Pour l’exercice budgétaire 2013, elles sont jusqu’ici chiffrées à 135,6 milliards d’euros.

Soit un différentiel net de 3,7 milliards d’euros.

Bercy évoque pour sa part une recette supplémentaire de 6 milliards d’euros, répartis à 2/3 pour la hausse du taux intermédiaire, et 1/3 pour le taux supérieur, mais qui serait donc partiellement grignotée par d’autres effets.

Cette hausse a vocation à financer le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, destiné aux entreprises, et qui représente une baisse du coût du travail de 20 milliards d’euros en vitesse de croisière.

QUE PENSENT LES ECONOMISTES ET LES EXPERTS?

Michel Taly, avocat fiscaliste et expert de l’Institut de l’entreprise, un cercle de réflexion du patronat, affirme: “La TVA est la taxe la plus neutre économiquement”. Pour lui, “avec le niveau de dépenses publiques que nous avons, il nous faudrait un taux à 25%” (au lieu de 20%), d’autant que “la France a eu longtemps l’un des taux les plus élevés d’Europe, c’est le contraire aujourd’hui.”

Olivier Passet, économiste de la société Xerfi, juge que “les hausses de TVA peuvent être pratiquement indolores”, mais celle-ci “tombe au pire moment, dans un creux de cycle” économique. Pour lui, si le gouvernement devait renoncer à cette hausse, “ce ne serait pas la fin du monde” en termes de financement, et cela pourrait bénéficier aux petites entreprises à la trésorerie précaire. Mais politiquement cela donnerait l’impression d’une “grande erreur de pilotage”, plutôt que d’un “choc d’offre assumé”.