De manutentionnaires à geek, parcours de jeunes de banlieue

07dbe58ba3326bd945e50f7364e2cfe96b0f62fe.jpg
éen devant un ordinateur à Paris le 12 juin 2013 (Photo : Martin Bureau)

[20/11/2013 21:00:38] Paris (AFP) D’ancien délinquant issu d’une banlieue difficile, Bader, 24 ans, est devenu un “geek” qui aspire à monter sa propre entreprise web, après avoir suivi une formation au numérique lancée il y a deux ans à destination des jeunes en difficulté.

Bader est un des premiers à avoir suivi le chantier d’insertion “Tremplin numérique” organisé par l’association basée à Paris “Permis de vivre la ville”, qui participera jeudi au 1er forum national des banlieues actives, créatives et innovantes.

Patronné par le gouvernement, ce forum vise à ouvrir les métiers du numérique aux jeunes des banlieues, grandes victimes de l’exclusion sociale et du chômage. Ses organisateurs estiment que 50.000 emplois seront à pourvoir dans le numérique en France d’ici à 2015.

Sans ce “tremplin numérique”, “j’en serais à toquer aux portes à la recherche d’intérim et à charger des palettes”, reconnaît Bader, originaire des Baconnets, à Antony, dans les Hauts-de-Seine, une cité “qui court le long des rails du RER B et C”.

Sans diplôme, hormis celui “d’arbitre officiel de la fédération de football”, le jeune homme a laissé tomber les études de bonne heure et a fait de la prison pour violences et trafic de drogues, avant d’enchaîner des travaux de manutentionnaire intérimaire.

Les étudiants “sont sans diplômes, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont sans compétences”, souligne Marcela Perez, architecte de formation et coordinatrice de “Permis de vivre la ville”, qui dit vouloir offrir aux jeunes de banlieue “autre chose qu’une formation dans le bâtiment”.

Ces jeunes, poursuit-elle, “connaissent tous l’outil numérique pour jouer, mais pas pour produire”.

Le chantier d’insertion, qui forme actuellement 14 jeunes des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis aux métiers d’opérateur numérique multimédia, dispense un enseignement essentiellement pratique en matière de vidéo, audio, web, et graphisme.

Aspiré par la communauté geek

Les étudiants, qui bénéficient d’une formation de 26 heures par semaine sur un an, touchent un salaire de l’ordre de 880 euros par mois, et enchaînent les travaux pratiques qui vont de la réalisation d’un clip vidéo pour une grande banque à la mise en ligne de CVs numériques pour sourds et malentendants.

“Je n’avais pas de talent au niveau de la vidéo, mais quand on est passé au web, j’ai découvert la créativité, ça m’a vraiment passionné”, raconte Bader, qui estime avoir été “aspiré dans la communauté geek”.

La formation ne vise pas à dispenser des diplômes mais, forts de leurs travaux pratiques, au moins 20% des étudiants trouvent du travail après l’avoir suivie, et près de 50% poursuivent leurs études, selon Marcela Perez.

Bader étudie aujourd’hui à l’école informatique Epitech et, pour la suite, “pense (se) mettre en freelance ou en auto-entrepreneur pour travailler comme prestateur web et applications”.

Mais il revient aussi partager son savoir avec les étudiants du chantier.

Nursel Bulur par exemple, 20 ans, habitant Montreuil, ne s’était elle jamais intéressée au numérique. “Mon père voulait que je travaille dans une pharmacie”, raconte-t-elle. Or la jeune femme, qui achève sa formation en décembre, affirme avoir été conquise par le montage vidéo et le graphisme et cherchera du travail dans ce secteur.

Queeny Morel, 22 ans, habitant Bois-Colombes, n’a pas le Bac. Après une période de galère, il a découvert les logiciels infographiques et le travail d’animation. “J’aime bien le dessin et tout ce qui touche aux arts”, dit-il.

Kevin Naquin-Foggea, 23 ans, a arrêté l’école à 17 ans avant de faire de la manutention et du nettoyage dans des supermarchés. Il entend aujourd’hui mettre à profit ses connaissances vidéo et “after-effect” (effets spéciaux) pour faire la promotion des groupes de musique rap et de danse Krump auxquels il appartient.

Disant regretter l’atmosphère de solidarité qu’il trouvait dans les cités, Bader reconnaît qu’on lui a “donné une chance”. “C’est à mon tour de donner une chance à quelqu’un”, s’engage le jeune homme.