Un leurre dans la loi des finances 2014 : 49% d’impôts en plus sur les bénéfices des sociétés !

Par : Autres

Faisant suite à tout le bruit autour de la loi des finances et de la soi-disant diminution du taux d’impôts au profit des sociétés ainsi que de la création d’un impôt sur les dividendes distribués afin de retenir les fonds au niveau des entreprises plutôt que de les distribuer aux actionnaires, je me suis amusé à faire certains calculs. Le résultat est, le moins qu’on puisse dire, surprenant.

controle-fiscal-01.jpgLe ministre des Finances a annoncé une baisse du taux d’imposition des entreprises de 30 à 25%. Il est certain que cela constitue une baisse. Cependant, ce que le ministre ne dit pas souvent, c’est que le réinvestissement exonéré va être supprimé. Ce réinvestissement exonéré permettait aux personnes morales et physiques d’exonérer 35% de leurs revenus imposables à condition de les réinvestir sous forme de réinvestissement physique, si c’est au sein de la même entreprise, ou sous forme de réinvestissement financier si cet investissement est réalisé dans une autre entreprise.

Ainsi, presque toutes les entreprises ponctionnaient d’office ces 35% pour les réinjecter dans le circuit économique au sein de la même entreprise si possible et de s’en servir pour acquérir de nouveaux équipements, ou bien à travers un investissement effectué dans une autre entreprise.

Prenons le cas d’une entreprise qui réinvestit 35% de ses bénéfices et distribue le bénéfice restant après paiement d’impôts.

En supprimant le réinvestissement exonéré, cette entreprise payera 28% d’impôts en plus en 2014 compte non tenu de l’impôt sur les dividendes distribués.

En effet, le réinvestissement exonéré ramène l’imposition théorique actuelle de 30% à une imposition réelle de 19,5% (voir tableau ci-dessous) car actuellement presque toutes les entreprises bénéficiaires réinvestissent 35% et s’engagent ainsi à ne pas distribuer 35% de leurs bénéfices.

Avec la suppression du réinvestissement exonéré, le taux d’imposition des entreprises devient fixe à 25% des bénéfices imposables.

Si nous ajoutons à cela une imposition à 10% des dividendes distribués, et en considérant que tous les bénéficies nets distribuables seront distribués, le taux d’imposition total des bénéfices passe de 19,5% à 29%, engendrant une hausse de 49% du total des impôts payés sur les bénéfices.

De plus, avec un réinvestissement exonéré de 35%, l’entreprise était tentée de réinvestir 35% de ses bénéfices. Aujourd’hui, en supprimant cet avantage, les entreprises auront tendance à distribuer tous leurs bénéfices, ce qui va à l’encontre des objectifs de la loi des finances.

Dans tous les cas de figures, il est aussi important de relever que, dans un cadre général, l’entreprise n’a pas intérêt à garder plus de trésorerie que ce dont elle a besoin et à reverser à ses actionnaires ou investir ailleurs tout excédant de trésorerie, cela conformément aux règles de bonne gestion enseignées dans toutes les Business schools dignes de ce nom. Il ne sert donc à rien de forcer l’entreprise à garder une trésorerie dont elle n’a pas besoin.

En réalité, en remettant cet excédent de trésorerie à ses actionnaires, l’entreprise le réinjecte dans le circuit économique car ces actionnaires vont soit les investir ailleurs, soit les dépenser.

Il est aussi utopique d’imaginer des entreprises ne pas recourir à l’endettement car le coût de l’endettement est inférieur au coût de capital. Cependant, il est nécessaire de ne pas avoir des entreprises surendettées, tout comme le pays ne doit pas l’être.

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Pour terminer sur une note positive, je trouve que l’imposition des dividendes perçus par les investisseurs étrangers est une bonne chose, aussi bien pour les caisses de l’Etat tunisien que pour les investisseurs étrangers venant de pays disposant d’accord de non double imposition avec la Tunisie, car cet impôt de 5 ou de 10% leur permettra de défiscaliser tout le reliquat dans leur pays d’origine et de ne pas payer d’impôt dessus, un impôt qui est généralement beaucoup plus important.

Cependant, je me demande comment est-ce que sera calculé l’impôt sur les dividendes distribués dans le cas des entreprises partiellement exportatrices puisqu’il a été prévu une imposition de 5% pour les bénéfices provenant de l’export et une imposition de 10% si ces bénéfices proviennent du marché local. Verra-t-on une infinité de taux d’imposition des dividendes allant de 5% à 7% en passant par 5,1%, 5,2%, 5,3%…, 6,9%?