Le printemps arabe serait-il en train de se transformer en un printemps du terrorisme? Plutôt que de voir éclore des démocraties dans les pays des révolutions, serions-nous menacés par la naissance d’un cycle de grande violence?
C’est à ces questions qu’essayeront de répondre les experts invités samedi 23 novembre par l’Observatoire arabe des religions et des libertés lors d’une journée d’étude financée par la Konrad Adenauer Stigtung.…
D’autres sis à Tunis dans leurs ambassades ainsi que des analystes et des experts sécuritaires essayent de répondre à ces questions. Les réponses ne semblent pas rassurantes.
Ainsi, aux dernières nouvelles, il y aurait réorganisation des cellules militaires et sécuritaires au sein des chancelleries ainsi qu’une redistribution des rôles attribués à chacun des acteurs internationaux sur terrain. En premier lieu, celui visant une meilleure gestion des canaux de transmission des données et des informations «utiles» entre certaines représentations diplomatiques et d’autres auparavant écartées du cercle de ceux qui savent…
Parmi les mesures susceptibles d’être prises, celles visant à resserrer l’étau autour des sources et circuits occultes de financements à travers le GAFI (Groupe d’Action financière). La corruption et le blanchiment d’argent étant étroitement liés au terrorisme.
Le GAFI a identifié les juridictions qui présenteraient des défaillances stratégiques aux normes pour la lutte contre le blanchiment d’argent, et agirait en conséquence en concertation avec les instances concernées.
Des mesures rigoureuses pourraient bien être prises pour lutter contre les fléaux de la contrebande et de l’argent sale qui serviraient à financer des terroristes.
Des rapports sur ce qui se passe dans des pays fragilisés par la phase transitoire d’un régime à un autre, comme la Tunisie, seront régulièrement transmis à la Banque mondiale, au FMI, à la BEI et à la BAD.
Ils ne se limiteront pas à la dimension sécuritaire mais toucheront celles socio-économiques.
Les observateurs internationaux s’intéresseraient également à l’analyse des actions gouvernementales. La Tunisie ne fait pas exception, et si l’Egypte commence à sortir de l’ornière dans laquelle l’avaient mise le régime des Frères musulmans, l’action gouvernementale dans notre pays ne serait pas convaincante pour certains de ses partenaires. Le gouvernement en place manquerait de fiabilité, estiment-ils. Ce constat s’expliquerait-il par son incapacité à limiter les dégâts engendrés par la montée en flèche de la contrebande sur les frontières terrestres et maritimes? Son laxisme face aux débordements des extrémistes et même des terroristes? Ou sa faiblesse face à la prise en otage des mosquées et à un islamisme rampant encouragé par des prêcheurs «guerriers» qui ne cachent pas leurs ambitions d’implanter partout la chariâa et faire de la Tunisie le 6ème Califat?
Car nul ne peut aujourd’hui douter du rôle joué par l’AQMI et ses réseaux implantés dans les trois pays du Maghreb central (Tunisie, Algérie et Libye- dans le financement et l’enrôlement des jeunes afin de les investir d’une mission sacrée: celle du Djihad qui peut toucher n’importe quel pays au monde y compris ceux qui se croient épargnés dans la rive Nord de la Méditerranée.
Ce qui nous amène à rappeler à ceux qui feignent de l’oublier le positionnement géostratégique de la Tunisie. Située à deux brassés de Gênes en Italie et de Marseille en France à partir de laquelle le passage vers l’Allemagne ne relève pas de l’impossible. Beaucoup pensent que la Tunisie devrait être ramenée à son environnement méditerranéen et soutenue par ses partenaires de toujours dans sa lutte contre le terrorisme. En l’appuyant, ils se protègent eux-mêmes.
La Tunisie, qui pourrait souffrir d’un mouvement d’exode rural vers les grandes villes, difficile à contenir dans le cas où les choses virent au vinaigre, pourrait rapidement devenir une courroie de transmission du terrorisme vers ses voisins du Nord qui se croient épargnés par l’extrémisme, car «l’Islam politique modérée» y veillerait. (Sic).
Pour ne pas compromettre la sécurité de la zone euro-méditerranéenne, des organisations comme Europol ou Frontex reprendraient du service avec plus de force et s’investiraient de plus belle dans la lutte contre les réseaux transfrontaliers qui assurent le transfert des fonds visant à déstabiliser les pays maghrébins et particulièrement la Tunisie et l’Algérie.
Les capitaux qui passent d’un pays à l’autre seront désormais examinés à la loupe par ces organisations internationales qui craignent leur usage à des fins terroristes.
Des banques suisses et luxembourgeoises seraient associées aux efforts de ces deux organismes dans le but de démanteler les réseaux douteux de transferts et de gestion de fonds.
La situation paraît aujourd’hui d’autant plus inquiétante que certaines informations font état d’accords établis entre des activistes libyens au pouvoir et auxquels serait éventuellement associé un certain Abdelhkim Belhaj. Un Abdelhkim Belhaj efficace, parce que doté d’un réseau autant dans les milieux des affaires que ceux politiques, et qui s’étend au-delà des frontières libyennes.
Des opérationnels extrémistes sur le sol libyen auraient même promis à leurs partenaires tunisiens 0,1% des revenus du pétrole s’ils venaient à faire du sud du pays une base arrière pour le recrutement de «combattants» destinés à la déstabilisation de notre voisin direct, l’Algérie, et l’avoir à l’œil. Ces informations, même si elles sont difficilement vérifiables, laisseraient planer des doutes sérieux sur les projets des groupuscules terroristes qui ont profité du laisser aller et de l’attentisme du pouvoir central en Tunisie ainsi que de l’anarchie qui règne en Libye pour s’implanter en réseaux sur le terrain.
L’Europe est aujourd’hui consciente qu’un Sud méditerranéen déstabilisé mènerait inévitablement à déstabiliser le Nord de la Grande Bleue. Aurait-elle réellement la volonté de soutenir ses partenaires traditionnels dans le Sud et par delà même se préserver des méfaits des mouvements extrémistes?
D’ores et déjà on parle de mettre en berne, pour un certain temps, les rencontres entres certains leaders de partis politiques dans les pays du printemps arabe et leurs homologues européens. Ce n’est qu’un premier pas. Le reste suivra. Peut-être.