ège de Master Bank à Moscou, le 20 novembre 2013 (Photo : Vasily Maximov) |
[23/11/2013 16:11:26] Moscou (AFP) Des clients inquiets massés devant des agences aux portes closes, des millions de cartes bancaires soudainement hors service: la fermeture brutale de Master Bank cette semaine a replongé les Russes dans les heures les plus traumatisantes de la période post-soviétique.
La banque centrale a retiré mercredi, avec effet immédiat, la licence de l’établissement, créé en 1992 et qui compte dans son conseil d’administration Igor Poutine, cousin du président russe.
Le régulateur a expliqué n’avoir pas d’autre choix après avoir constaté des “infractions répétées” à la loi sur le blanchiment d’argent, le ministère de l’Intérieur évaluant les sommes en jeu à plus de 45 millions d’euros.
A première vue, Master Bank, 70e banque russe en termes d’actifs, est un établissement relativement modeste.
Mais “c’est la première fois qu’une banque avec plus de trois millions de clients perd sa licence”, a souligné lors d’une conférence de presse Oleg Ivanov, vice-président de l?Association des banques régionales.
Et les conséquences pour le grand public ont été spectaculaires, puisque Master Bank contrôle le troisième réseau de distributeurs automatiques en Russie et occupe la cinquième place en termes de cartes bancaires en circulation.
Soudainement, des millions de Russes se sont retrouvés sans accès à leur compte. D’autres, qui pensaient n’avoir aucun rapport avec Master Bank, ont vu leur carte bancaire cesser de fonctionner: la banque proposait ses services de traitement de données à 200 autres petits établissements.
De très nombreux commerces, hôtels, restaurants, mais aussi le parti politique libéral Iabloko se servaient de ses cartes bancaires pour payer les salaires de leurs employés, qui se retrouvent de fait bloqués.
A la différence notable des retentissantes faillites bancaires des années 1990, la plupart des clients devraient récupérer une grande partie de leurs fonds: depuis 2004, les dépôts sont assurés jusqu’à 700.000 roubles (15.700 euros). Au delà de ce seuil, leurs détenteurs sont prioritaires pour être indemnisés à l’issue de la procédure de faillite.
Les remboursements sont estimés à un niveau record de 30 milliards de roubles (675 millions d’euros).
En revanche, les entreprises, y compris les entrepreneurs individuels, ne sont pas couverts par la garantie des fonds. L’association caritative Docteur Liza a reconnu avoir perdu plus de 50.000 euros qu’elle destinait à un hospice.
“On a retiré du système un maillon faible, ce qui veut dire que le reste du système devient plus fiable, plus transparent, plus stable”, a plaidé le vice-président de l?Association des banques régionales.
“Cela ne va pas créer de panique” mais “cela affecte à court terme la confiance de la population”, a regretté de son coté Pavel Samiev, de l’agence de notation Expert RA.
La nouvelle a eu un retentissement considérable en Russie, où une partie de la population garde le souvenir douloureux des économies envolées lors de faillites bancaires, notamment pendant la crise financière de 1998, et reste méfiante vis à vis des banques.
D’autant que la présidente de la banque centrale, Elvira Nabioullina, a prévenu: Master Bank ne sera pas la dernière à disparaître.
“C’est une surprise de voir une banque de cette taille avoir sa licence retirée”, reconnaît l’économiste Chris Weafer, de la firme de conseil Macro Advisory.
“Cela envoie un message très clair au secteur: personne n’est à l’abri et la banque centrale muscle sa surveillance”, estime-t-il, soulignant qu’il existe actuellement “bien trop de banques en Russie”.
Plus de 900 banques y sont actuellement en activité et le secteur est divisé entre quelques mastodontes contrôlés par les pouvoirs publics et une myriade de petits établissements à la situation financière fragile et aux pratiques parfois douteuses.
Les autorités russes cherchent depuis des années à réduire ce nombre, hérité de la chute de l’URSS, quand il suffisait de quelques milliers de dollars pour créer une banque et que les entrepreneurs avaient besoin de ces établissements pour leurs sociétés.
Si le nettoyage du secteur a pris du retard, il semble s’être accéléré depuis la prise de fonction cet été de Mme Nabioullina, auparavant conseillère économique au Kremlin: près d’une vingtaine établissements ont perdu leur licence, soit presque autant que sur une année entière habituellement.