L’invasion des drones n’est pas pour demain

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éricain Predator, le 27 novembre 2009 à Bagram (Photo : Bonny Schoonakker)

[24/11/2013 09:49:38] Paris (AFP) Les drones ne seront pas autorisés dans l’espace aérien civil avant cinq ans, malgré les objectifs ambitieux des Etats, en raison des risques qu’ils posent encore, estime le patron de la sécurité aérienne en Europe.

Le Congrès des Etats-Unis a chargé l’Agence fédérale de l’aviation (FAA) de réglementer l’insertion des drones dans l’espace aérien d’ici 2015. “L’objectif est complétement inatteignable, selon Patrick Ky, nouveau directeur de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), le pendant de la FAA. Et l’objectif politique de la Commission européenne, 2016, est à mon avis inatteignable aussi”.

“Je pense que l’insertion des drones dans le trafic civil pourra se faire à partir de 2018”, a-t-il estimé cette semaine lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace à Paris.

Les obstacles qui restent à surmonter sont de deux ordres, selon lui.

Les drones eux-mêmes ne sont pas encore à “des niveaux de fiabilité qui seraient susceptibles d’être requis pour des opérations civiles”, dit-il.

Ainsi, sur la soixantaine d’accidents de drones relevés depuis cinq ans, 85% étaient dus à une perte de contrôle de l’appareil.

Dans ce cas, certains drones militaires sont programmés pour se “suicider”, en tombant avec un parachute, d’autres pour retourner automatiquement à la base. Mais cette dernière solution n’est pas envisageable à proximité d’aéroports civils.

M. Ky insiste donc pour identifier les vulnérabilités des drones, comme la communication avec le pilote au sol, et y pallier avant de penser à les insérer dans le trafic.

Pour cette deuxième étape, il faudra élaborer une réglementation de sécurité qui tienne compte notamment les responsabilités juridiques en cas d’accident.

En effet, dans un avion c’est le pilote qui a la responsabilité ultime d’éviter l’obstacle qu’il voit, (see and avoid, voir et éviter). Le drone, lui, est équipé de capteurs pour “sentir et éviter” (sense and avoid) et là, la chaine d’éléments techniques qui permet au pilote au sol de mener la man?uvre d’évitement complique l’établissement des responsabilités. Et ces capteurs, critiques, demanderont une certification particulière, ajoute-t-il.

“Beaucoup de fantasmes”

Du reste, M. Ky estime qu’il y “beaucoup de fantasmes” sur le boom économique qu’apporterait l’utilisation commerciale des drones, au delà des minidrones déjà utilisés pour la surveillance de terrains ou d’ouvrages d’art.

De fait, la France qui la première a adopté en 2012 une réglementation permettant l’utilisation de drones légers et à l’autonomie limitée, est très prudente avant d’autoriser les appareils plus puissants.

A ce jour, 360 opérateurs ont été autorisés à travailler avec des petits drones en France et 25 constructeurs ont reçu des autorisation de conception, selon la Direction générale de l’aviation (DGA).

“Il y a un développement très fort des microdrones (moins de 2 kilos) et un potentiel pour aller plus loin”, dit Maxime Coffin, chef de la mission aviation légère à la DGA.

Avec la SNCF ou EDF qui disent avoir besoin de drones plus lourds, allant plus vite et plus loin, pour inspecter des lignes ou des voies de chemin de fer, “on discute des conditions de sécurité mais ce seront des conditions exigeantes”.

“Un drone de deux kilos dont l’opérateur perd le contrôle et qui entre en collision avec un avion, ce n’est pas pire qu’un oiseau, et les avions sont conçus pour absorber le choc”, explique-t-il. “Par contre, un drone de 30 ou 40 kilos ça met un Airbus par terre”.

“On va donc se rapprocher des exigences qu’on applique aux avions”. Les constructeurs et les opérateurs de drones doivent concevoir des modèles sûrs et prouver qu’ils le sont. “Il y a un vrai pas technologique et de démonstration à franchir”, dit-il.