Nous sommes en 2053: plus personne ne va au bureau ou à l’usine pour travailler, le concept de pénibilité a disparu grâce aux robots, les syndicats co-gouvernent les entreprises… Exercice d’anticipation avec un numéro spécial de la revue “Travail et changement”.
A l’occasion du 40e anniversaire de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), célébré mardi, des experts, des syndicalistes ou des représentants du patronat se sont prêtés au jeu d’imaginer le travail de demain pour le bimestriel de l’agence.
Premier constat fait par Hervé Lanouzière, directeur général de l’Anact: l’augmentation de l’espérance de vie fait qu’en 2053, “nous travaillons plus longtemps mais sur des périodes plus courtes” et que les “aspirations privées” ont redessiné les contours du travail.
Une part “non négligeable” de la production est “prise en charge par des robots, des ordinateurs ou même des avatars” ce qui a “supprimé le concept de pénibilité”.
En outre, les lieux de production ont été “atomisés” et “aujourd’hui, quand des personnes se trouvent réunies dans un même lieu, il est rare que ce soit pour leur travail”.
Philippe Durance, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) explique que “la disparition du lieu de travail (…) touche quasiment toutes les catégories professionnelles”, le développement de l’impression 3D faisant notamment que “les usines sans personnel sont aujourd’hui la norme”.
Le travail se fait à domicile, dans des espaces de “co-working”, dans les transports, dans les lieux de restauration et en dernier ressort au bureau.
Et “puisque l’entreprise n’a plus de lieu”, les employeurs doivent redoubler de moyens pour fidéliser leurs salariés, qui choisissent leur travail en fonction des services (loisirs, services de santé…), note Amandine Brugière de la Fondation internet nouvelle génération. “De son côté, l’entreprise choisit ses employés, dont elle connaît au travers des réseaux, tous les aspects de la vie”.
La retraite n’existe plus
Dans les entreprises, l’organisation du travail a aussi changé.
Le représentant du Medef dans le Nord-Pas de Calais Christian Leroy explique que la parole des salariés “est systématiquement prise en compte” sur le contenu du travail, les représentants du personnel ayant “été intégrés dans les structures de gouvernance des entreprises”.
Encore plus fort, “les chefs n’existent plus et les niveaux hiérarchiques sont au maximum de deux”.
A la CGT, Maryse Dumas souligne aussi que la notion de retraite qui “recouvrait une idée de retrait de la vie sociale” a disparu et qu'”au-delà de 60 ans car le rythme biologique l’exige, les personnes sont libres de leur participation”.
Les parcours professionnels ne sont plus linéaires et permettent, dit-elle, “d’alterner des métiers, des fonctions, des filières différentes”, avec des droits nouveaux “attachés à chaque personne” et “mis en oeuvre tout au long de l’activité professionnelle”.
Mais des responsables de l’Anact imaginent aussi des cas où “les compétences sont validées par des tests génétiques”, les neurosciences “ayant conforté l’idée de la différence femme/homme” ou un monde à la Big brother où la technologie est au service de la surveillance.
Dans ces scénarios noirs, “le télétravail n’est possible que si l’opérateur accepte un implant intégré à l’avant-bras pour surveiller ses gestes en temps réel” et des ordinateurs permettent “de décompter du salaire le temps où le salarié gère ses mails et affaires personnelles”.
Ils vont jusqu’à imaginer des robots chargés de l’éducation des enfants à domicile, des “capteurs -émetteurs” qui permettent de “rationaliser” les gestes des salariés, ou des entreprises qui s’en remettent aux algorithmes pour organiser et rationaliser l’activité.
En conclusion, et parce que les évolutions portent “toujours en elles des effets potentiellement favorables ou défavorables à la santé et aux conditions de travail”, l’Anact existe bien évidemment toujours en 2053.