à Madrid, le 26 novembre 2013 (Photo : Pierre-Philippe Marcou) |
[26/11/2013 16:22:49] Madrid (AFP) “J’ai dit non”. Par trois fois, l’ex-chef du gouvernement socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero a refusé un sauvetage financier de son pays entre juin 2010 et les élections de novembre 2011, craignant un coût social trop lourd.
Dans son livre “Le Dilemme, 600 jours de vertige”, consacré à la crise économique en Espagne, il reconnaît son “erreur” de n’avoir pas employé le mot crise avant le 1er juillet 2008, expliquant qu’il voulait rassurer les investisseurs et que la récession n’a commencé que fin 2008.
“Ce fut une erreur de ne pas l’avoir fait avant car, dans la rue et dans les médias, on pouvait déjà voir un certain climat de crise”, écrit-il.
Au fil des 380 pages, il raconte à la première personne la tension extrême dans certaines réunions internationales où l’Espagne et l’Italie ont été poussées à demander un sauvetage financier sur fond de panique des marchés.
“Mon obsession était que l’Espagne ne tombe pas”, confie M. Zapatero, soulignant son obsession à vouloir maintenir l’éducation et la santé pour réduire les inégalités.
La première proposition de sauvetage est venue en juin 2010 du président à l’époque du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn.
à Madrid, le 26 novembre 2013 (Photo : Pierre-Philippe Marcou) |
“Ce fut le 18 juin 2010. Ce fut inattendu. Personne ne l’a jamais su”. A peine les politesses échangées, “Strauss-Kahn m’a parlé de la possibilité, voire de l’intérêt de solliciter une aide du FMI, sous forme de ligne de financement de précaution, comme pour certains pays émergents”.
“Même si j’ai accusé le coup, j’ai immédiatement réagi et lui ai dit que je ne le ferais pas”, se souvient-il.
La deuxième tentative vint du président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, le 5 août 2011, en pleine tourmente des marchés.
Zapatero raconte comment, d’un ton distant par téléphone, “Trichet appela le gouvernement espagnol à la responsabilité”. “Je lui dis que l’Espagne ne demanderait pas d’aide”.
Zapatero publie aussi les lettres échangées entre la BCE et Madrid qui seront finalement suivies de la décision de la banque centrale d’acheter dès le 8 août de la dette espagnole sur le marché secondaire, afin de faire baisser les taux de refinancement du pays qui atteignaient alors des sommets.
“Je connais de meilleures formes de suicide”
“La lettre contenait des mesures exceptionnelles pour le marché du travail que, moi, je n’étais pas prêt à assumer”, dit-il. Ces mesures libérales de flexibilisation du marché du travail seront prises par la suite par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
Enfin, Zapatero raconte la troisième demande émanant de la chancelière allemande Angela Merkel au G20 de Cannes début novembre 2011, quelques jours à peine avant l’échec retentissant des socialistes espagnols aux élections anticipées du 20 novembre.
“Elle m’a salué cordialement et m’a parlé, quasi sans préambule, d’une proposition sur laquelle nous n’avions eu aucune indication” au préalable.
“Merkel m’a demandé si j’étais prêt à demander une ligne d’aide préventive de 50 milliards d’euros au FMI. Elle a ajouté que pour l’Italie c’était 85 milliards. Ma réponse fut également directe et claire: non”, raconte-t-il.
La réponse de l’Italie fut tout aussi claire. “Je connais de meilleures formes de suicide”, lança alors le ministre de l’Economie Giulio Tremonti lors du dîner resté pour lui “le plus marquant” de sa vie politique, se souvient Zapatero.
“La phrase est très significative que ce que représentait un sauvetage dans l’imaginaire collectif de la zone euro, avec les conséquences économiques, politiques et sociales des programmes d’aide. Ce qui s’était passé en Grèce, Portugal et Irlande, était à l’esprit de tous”.
Le pays a finalement dû recourir à un sauvetage européen de 41,3 milliards d’euros pour ses banques à l’été 2012.
Mariano Rajoy a parallèlement annoncé un plan d’économies de 150 milliards d’euros sur trois ans, pour juguler une dette et un déficit public galopants.
Frappé doublement en 2008 par l’éclatement de sa bulle immobilière et le démarrage de la crise financière internationale, l’Espagne a connu deux récessions en cinq ans, dont elle est sortie timidement au troisième trimestre.