Les gisements fiscaux traditionnels saturent. Le pays plonge encore plus dans le crédit et le découvert. Qui va payer l’ardoise? La classe moyenne sera ponctionnée pour venir à la rescousse du budget de l’Etat.
Peut-on tuer la poule aux œufs d’or? A coup sûr, cela va étouffer la demande intérieure et, par conséquent, la croissance économique. De surcroît, on prend un gros risque sur la stabilité sociale. Le budget 2014 pourrait imploser.
Point besoin d’être expert pour voir que le budget 2014 va fragiliser la reprise, déjà chétive. Privé de la manne des dons d’Etats étrangers, des rentrées des biens confisqués du clan des BAT, ne pouvant s’endetter sur les marchés pour cause de rating “spéculatif“, l’Etat éprouve des difficultés réelles à boucler le budget pour l’année qui s’annonce.
Que lui reste-t-il comme marge de manœuvre? Se rabattre sur la classe moyenne. Le choix est pour le moins hasardeux. N’annonce-t-il pas des choix encore plus douloureux?
Le retour de manivelle : l’échec de la politique de Go&Stop
En 2012, l’Etat a pris un gros pari de relancer la machine économique par la demande intérieure. Il pensait amorcer la pompe de l’investissement. Mal lui a pris car, au final, l’on n’est pas parvenu à faire repartir l’investissement, ni public ni privé et encore moins extérieur, et l’on a récolté les charges qui ont grimpé de plus de 60% en deux ans.
Les salaires (des fonctionnaires) et les frais de subvention de l’énergie ont mis l’Etat dos au mur. Les déficits jumeaux explosent. Et la maigre croissance réalisée en 2012 (+3,6%) et environ +3% en 2013 ne donnera pas plus de rentrées à l’Etat afin d’infléchir la tendance. On ne créera pas beaucoup de richesses en 2014. Et tabler sur une hypothèse de croissance de 4% pour boucler le budget est discutable. L’Etat est à découvert.
Un redoutable effet de ciseaux
Le budget est pris entre le marteau des charges qui ont explosé et l’enclume de recettes fiscales inextensibles. Il lui faut obligatoirement trouver des ressources. Le tissu productif est figé. A peine 40% d’entreprises assujetties paient l’impôt sur les sociétés. Le gros du bataillon est en purgatoire fiscal. Près de 20% ne font pas de bénéfices et 40% sont déficitaires. La retenue à la source plafonne avec 2,7 milliards de dinars. Les forfaitaires, faute de volonté politique, n’apporteront pas leur obole. L’informel est hors rang. Donc l’impôt direct plafonne.
Ce schéma est difficile à dynamiser à court terme, malgré la volonté affirmée de réformer la fiscalité. C’est donc l’impôt indirect qui sera actionné. Et on devra serrer la vis de la Caisse de compensation en larguant d’abord les subventions de l’énergie. Quel redoutable effet de ciseaux on choisit là!
Le flop prévisible de la croissance
En libérant les prix et en rabotant les revenus, l’Etat ne fera qu’asphyxier le pouvoir d’achat des classes moyennes. Or, c’est le seul moteur de la demande intérieure, le seul moteur de croissance qui fonctionne, à l’heure actuelle.
Décrétant haut et fort le gel des salaires pour 2014, sans rebond de productivité attendu, la consommation intérieure devra, mécaniquement, décliner. L’objectif de croissance de 4% pour l’année 2014 devient, de facto, hors d’atteinte. Ajouter à cela la contrainte que le budget a soigneusement omise d’évoquer et qui est le déficit des entreprises publiques qui atteint des paliers critiques.
Dans ces conditions, que restera-t-il à l’Etat pour disposer d’argent frais? L’endettement en dinar est une issue de secours. Mais, des suites de l’effet d’éviction, elle épongera les ressources qui doivent être allouées au secteur privé. Ou alors elle sera dans l’obligation de tailler dans le vif et de céder les bijoux de famille. Vous verrez, ce ne sera pas simple!