Si seulement on pouvait effacer les blessures infligées à la Tunisie par ceux qui la gouvernent, qui s’y opposent et qui tolèrent, aussi facilement que les traces du temps sur les visages des femmes, quel bonheur cela serait pour nous! Mieux encore, nous n’aurions pas autant de femmes qui se font traiter à l’hôpital Razi (51% des patients) pour cause de déprime.
Autant le baume «Advanced Night repair, le complexe de réparation synchronisé II» d’Estée Lauder, sorti récemment sur le marché, soutient, par ses vertus guérisseuses, et sa formule novatrice, le «processus vital de purification cellulaire nocturne» pour rajeunir la peau et réparer les dégâts du temps qui broie nos vies, autant il est difficile de démonter les machines communicationnelles, lesquelles, en racontant des histoires au peuple, se transforment en machines à formater les esprits et travestir la réalité.
Que ne puisse Estée Lauder passer de la chimie cosmétique à la chimie spirituelle en créant un Advanced Repair pour réveiller et régénérer les consciences leurrées, perfides ou même mortes et enterrées.
La Tunisie et particulièrement ses femmes ciblées par la vague rampante d’un islamisme rétrograde et suranné ont certes besoin de préserver leur beauté, mais plus que tout, elles ont besoin de garder et consolider leur positionnement dans une société qui devient de plus en plus misogyne leur enviant intelligence et compétences. Y a-t-il sur la place un leader qui puisse simuler le fonctionnement des esprits endormis et œuvrer à ce que cet espace politique et socioéconomique puisse s’ouvrir aux femmes? Peu probable même parmi les plus démocrates, et pourtant, les plus agissantes et efficientes sur la scène publique sont les femmes face à des leaders qui se suffisent de parlotte, se complaisent dans les actes inachevés, les manœuvres de diversion et les alliances incestueuses.
Les femmes, tous comme les hommes d’ailleurs, qui pourraient user du même sérum Estée Lauder, ne sont pas menacées que par les dommages environnementaux représentés par les radicaux libres, mais par cette espèce de retour en arrière, programmé et planifié depuis des décennies pour renvoyer la Tunisie dans les méandres du Moyen-âge. Elles sont dans le cas de l’espèce les premières ciblées, car pour nombre de «Frères», leur place ne peut être qu’à l’intérieur de leurs foyers, procréant et éduquant les générations futures selon les préceptes du mouvement «Ikhouani».
C’est dire que tous les mouvements réformistes visant l’émancipation des femmes dans les pays arabes, partant de Jameleddine Al Afghani à Tahar Haddad et Habib Bourguiba en Tunisie, en passant par Mohammed Abduh, Hoda Chaaraoui -qui a retiré son voile en 1923- et Kacem Amin en Egypte, sont aujourd’hui remis en cause.
C’est quand la charia a cessé d’être la référence essentielle des textes législatifs que les femmes de culture arabo-islamique ont pu s’affranchir et s’émanciper. Aujourd’hui, c’est la récession de tous les acquis des femmes que nous vivons dans les pays des printemps arabes où l’on veut appliquer à la lettre et dans une lecture primaire et simpliste la charia.
Les gènes horloges ont été conçus par les chercheurs d’Estée Lauder pour synchroniser le rythme vital de réparation et de protection des cellules de la peau. Si seulement les laboratoires de ce monument de l’industrie cosmétique pouvaient user de pareille chimie pour réparer les dommages causés à la Tunisie depuis bientôt trois ans par des idéologues aveugles, ignares et dogmatiques pour lui rendre sa dimension méditerranéenne, ouverte, tolérante, émancipée et rayonnante.