és du volailler Doux manifestent à Châteaulin, le 17 juillet 2012 (Photo : Fred Tanneau) |
[28/11/2013 13:24:34] Rennes (AFP) Plus d’un an après le licenciement de 873 salariés chez le volailler Doux – qui a marqué le début de l’hécatombe sociale dans l’agroalimentaire breton – seules 87 personnes ont retrouvé un CDI, malgré le dispositif d’accompagnement renforcé mis en oeuvre pour les aider à rebondir.
Peu qualifiés, souvent usés par la pénibilité du travail dans les abattoirs de volailles – gros pourvoyeur de troubles musculo-squelettiques – et concentrés, en Bretagne, sur une zone où le volailler était l’employeur principal, les “ex-Doux”, essentiellement des seniors n’ayant connu que cette entreprise, cumulent les difficultés.
D’autant que “les offres d’emplois ont fondu comme neige au soleil, particulièrement pour les emplois peu qualifiés”, souligne Jean-Marc Thépaut, secrétaire général de la CFDT dans le Morbihan, qui confie son “inquiétude pour cette population”, âgée en moyenne de 52-53 ans et peu mobile.
Sur les 873 salariés restés sur le carreau après la liquidation en août 2012 du pôle “frais” de Doux, 87 sont en CDI – dont 30 issus du pôle administratif de La Vraie Croix (Morbihan) – et 59 en CDD de plus de 6 mois, selon des chiffres datant de septembre, fournis à l’AFP de source syndicale.
Dans la moyenne
La plupart des Morbihannais ayant retrouvé un emploi travaillent désormais dans l’agroalimentaire ou des secteurs variés (techniciens de maintenance, assistantes familiales ou de gestion…), selon Pôle Emploi, qui note que seulement deux d’entre eux ont quitté la région.
Au total, quelque 280 autres sont à la recherche d’un emploi, 95 bénéficient d’une formation de moins de 6 mois, 88 d’une formation de 6 à 12 mois, 3 d’une formation de plus d’un an et 17 ont créé une entreprise.
Malgré le faible nombre de CDI, “le taux de solutions identifiées de reclassement” – une définition large incluant CDI, CDD, intérims et formations longues, créations d’entreprise, la retraite et les deux ans la précédant – est “identique au taux moyen national de 37%”, assure Elisabeth Maillot-Bouvier, directrice de la Direccte.
Outre les 471 personnes licenciées en Bretagne, 246 salariés ont été remerciés dans le Pas-de-Calais, 139 dans le Centre et 17 dans le Vaucluse.
Si ce résultat n’est pas satisfaisant, il y a “malgré tout quelque chose de positif, car on avait un public peu formé, qui ne voulait pas forcément suivre de formation au départ”, note Stéphane Lavigne, directeur de Pôle Emploi dans le Morbihan.
Dès septembre 2012, un important arsenal de mesures a été déployé. Un Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) d’un an, financé par l’Unedic et l’Etat, a garanti aux anciens salariés 80% de leur salaire net et un accompagnement personnalisé par Pôle Emploi.
Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), financé par Doux (3,5 millions d’euros) et prolongé jusqu’en juin 2014, prévoit aussi des mesures de formation, d’aide à la mobilité et à la création d’entreprise.
“ko debout”
Au total, “plus de 400 formations pour près d’1,4 million d’euros” ont été financées, selon la préfecture de région. Elles ont concerné le transport, la logistique, la sécurité, le sanitaire et le social, le secrétariat, mais aussi +des savoirs de base+ “, détaille Elisabeth Maillot-Bouvier.
Des formations cruciales pour nombre d’entre eux, “ko debout” après le choc du licenciement, selon M. Lavigne. “On a vu des salariés un peu perdus, une soixantaine n’avaient jamais vu un ordinateur ou des connexions internet”, relève Jean-Marc Belz, conseiller chez Opcalia Morbihan, un organisme collecteur finançant les formations.
és du volailler Doux manifestent à Châteaulin, le 17 juillet 2012 (Photo : Fred Tanneau) |
Chez Doux, “on ne vous a jamais demandé de faire autre chose que couper des cuisses de dinde et mettre de la viande dans des barquettes: le gros frein pour retrouver un emploi, c’est le manque de formation”, tempête Jean-Luc Guillart, ancien délégué CFDT chez le volailler. “Les formations obligatoires pour faire tourner l’entreprise (sécurité, hygiène) étaient effectuées mais pas les formations pour développer les compétences des ouvriers”, déplore-t-il.
“Il est vrai que Doux est une entreprise qui est restée bien en-deçà de la mobilisation de ses moyens de formation”, confirme-t-on de source proche du dossier, soulignant dans ce domaine une “particularité Doux”. La société parisienne assurant la communication pour le groupe affirme, elle, que “le budget formation était conforme aux obligations légales”.
Mobilité
Des freins psychologiques compliquent aussi le reclassement: “pour certains, ils ne veulent plus entendre parler de l’agroalimentaire – alors que certaines entreprise peuvent embaucher -, d’autres ont 30 ans d’ancienneté et des difficultés à se projeter dans un autre métier”, explique Jean-Marc Belz.
La mobilité géographique pose également problème, relève Stéphane Lavigne, car “on ne vend pas comme ça sa maison” dans une zone sinistrée. Et, ayant touché des salaires moyens de 1.300 euros, “les gens calculent sur les frais d’essence que l’éloignement” pourrait entraîner, note M. Belz.
Outre l’accent sur la formation – tous les moyens disponibles du PSE de Doux n’ayant pas encore été utilisés – une piste reste le recrutement de plus de 300 personnes à l’abattoir de porcs de Gad SAS, à Josselin (Morbihan), même si les postes “sont réservés en priorité” aux 889 salariés licenciés de Gad à Lampaul-Guimiliau (Finistère).
“On souhaite qu’ils aillent vers cette offre, mais il ne s’agit pas des mêmes métiers ni de la même sociologie” – plutôt féminine chez les ex-Doux, masculine chez Gad – nuance Dominique Théfioux, directeur régional adjoint de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).