à Pékin (Photo : Wang Zhao) |
[29/11/2013 13:44:50] Pékin (AFP) Exposé sous bonne garde dans un palace de Pékin, un tableau de Rembrandt est proposé vendredi à un prix de 50 millions de dollars, avec d’autres chefs-d’?uvre signés Picasso, Renoir ou Rodin.
Après avoir propulsé les peintres chinois comme Qi Baishi ou Zhang Daqian au hit parade des enchères mondiales, les fortunes asiatiques veulent élargir leur éventail et se tournent désormais vers l’Occident.
“Ces cinq dernières années, nous avons constaté un gros appétit pour l’art occidental chez les Chinois de Chine continentale, dont les achats ont bondi de 500%”, confirme Patti Wong, présidente de Sotheby’s Asia, dans une interview à l’AFP.
La maison de vente cotée à New York a noué une alliance avec le groupe étatique Beijing GeHua Art afin de forcer les portes du marché chinois très protectionniste.
Cela lui permet de proposer en vente privée jusqu’à dimanche une vingtaine de portraits réalisés par des grands maîtres européens, parmi lesquels Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre Bonnard, Kees Van Dongen, Eugène Delacroix, Jean-Baptiste Camille Corot ou Marc Chagall.
Les occasions de voir un Delacroix ou un Rembrandt à Pékin sont rarissimes, assure à l’AFP Hou Jie, un amateur venu admirer les tableaux. “Auparavant nous devions aller à l’étranger, par exemple au musée du Louvre à Paris”.
“Désormais, poursuit-il, la Chine s’ouvre sur le monde extérieur, les ?uvres d’art y entrent et il existe même des gens qui ont les moyens de les acheter”.
Gu Xunming, responsable dans un musée pékinois, s’extasie devant le Rembrandt, que le maître hollandais a peint en 1658.
Ce “portrait d’un homme, à mi-corps, mains sur les hanches” avait été adjugé 33 millions de dollars en 2009 à Londres, un record à l’époque pour un Rembrandt. L’acquéreur, le magnat des casinos de Las Vegas Steve Wynn, l’a ensuite revendu. Et voici la toile en Chine.
à Pékin (Photo : Wang Zhao) |
“J’imagine que ceux qui rêvent le plus de l’acheter sont des artistes”, glisse M. Gu. “Mais même en le désirant très fort, ils ne peuvent pas se l’offrir”.
Et il ajoute, désabusé: “L’acheteur sera quelqu’un de très riche, mais pas forcément quelqu’un qui comprend l’art. C’est la tendance actuelle en Chine”.
Sotheby’s ne s’attend pas à vendre tous les lots, mais espère des retombées fructueuses.
“Peu importe s’il n’y a pas de réaction immédiate, l’intérêt est bien là et nous pensons que, tôt ou tard, ces acheteurs vont migrer vers nos salles de vente à Londres ou à New York”, explique Patti Wong.
Début novembre à New York, l’homme le plus riche de Chine, Wang Jianlin, a déboursé 28 millions de dollars pour s’offrir un Picasso, “Claude et Paloma”.
A cette même vente aux enchères, organisée par Christie’s, des clients chinois ont également acheté des ?uvres d’Henry Moore, Vincent van Gogh et Claude Monet.
Un intérêt qui se généralise
Wang, à qui le magazine Forbes a décerné cette semaine le titre d'”homme d’affaires de l’année en Asie”, a bâti un empire dans l’immobilier.
Son conglomérat, Wanda, possède aussi un constructeur britannique de yachts et est devenu en 2012 le premier propriétaire mondial de cinémas.
à Pékin (Photo : Wang Zhao) |
Les collections de Wanda comptent déjà de nombreuses ?uvres de Wu Guanzhong, Shi Qi et Li Keran, des grands noms de l’art moderne chinois. Avec le Picasso, ce catalogue s’internationalise.
Et l’engouement des Chinois pour les grands maîtres européens ne se limite ni aux salles de vente ni aux milliardaires.
L’intérêt croissant se généralise au fur et à mesure que la Chine s’ouvre, que les Chinois voyagent et que les catalogues des musées sont traduits en mandarin.
“J’ai vu des Chinois à Pékin faire la queue pendant des heures pour visiter des expositions d’art occidental majeur dans des musées ou des galeries”, relate à l’AFP l’experte Nancy Murphy. “Il y a un véritable désir de voir les ?uvres d’origine et Christie’s et Sotheby’s peuvent l’exploiter”.
A Shanghai, une exposition inaugurée cet automne sur l’Ecole de Barbizon et les impressionnistes a attiré les foules.
Cependant, malgré leur percée remarquable, les nouveaux riches asiatiques ne sortent pas toujours vainqueurs des enchères.
Lors de la vente phare en 2012 à New York d’une version du “Cri” du peintre norvégien Edvard Munch, un Chinois a fait une offre de 73 millions de dollars, loin du prix marteau puisque le lot a été adjugé pour 119,9 millions de dollars.
Et, il y a deux semaines à Genève, un autre Chinois a échoué à acquérir le Pink Star, diamant vendu le plus cher au monde, parti à 83 millions de dollars.