Pas moins de 249 «déclarations de suspicion» ont été déposées par des banques, des sociétés d’assurances portant sur des affaires de blanchiment d’argent, dont les premiers responsables sont des personnes politiquement exposées, a affirmé Habiba Ben Salem, représentante de la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF), relevant de la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Lors d’un séminaire sur «la lutte contre le blanchiment d’argent en Tunisie», Mme Ben Salem a souligné que sur ces 249 déclarations, 119 ont été transférées à la justice, dont 58 ont donné lieu à un gel des avoirs des personnes impliquées. Mme Ben Salem a expliqué que, depuis la révolution à nos jours, un total de 1.000 dossiers de soupçon de blanchiment ont été déposés, dont plus de la moitié (566) ont été enregistrés en 2011 et ont concerné principalement les proches du président déchu.
Saber Rehayem, chef de département du contrôle des intervenants sur le marché au Conseil du marché financier, a souligné que le blanchiment d’argent nuit à la réputation du pays et son économie, dans la mesure, où la Tunisie deviendra incapable d’attirer les investissements légaux susceptibles de créer de l’emploi et de la richesse. «De même, ce délit est généralement accompagné d’autres crimes, tels que le trafic d’armes, la contrebande, le terrorisme…», a-t-il encore souligné.
M. Rehayem indique également que l’argent blanchi est, généralement, transféré soit vers des banques, soit vers la Bourse, pour être, par la suite, retiré subitement, ce qui peut engendrer la chute des prix des actions sur la bourse ou la régression de la liquidité dans une banque. Toutefois, M. Rehayem a nié la possibilité que la bourse tunisienne soit le refuge pour ce genre d’actions illégales, d’autant plus que la BVMT gère des transactions de taille moyenne. M. Nabil Abdellatif, président de l’Ordre des experts-comptables (OEC), a insisté sur l’impératif de faire face à ce phénomène avant qu’il ne se propage davantage et que la Tunisie ne devienne une niche pour les blanchisseurs d’argent.
Pour ce faire, il a recommandé de mettre en place un observatoire spécifique dont la mission sera de suivre, contrôler et détecter ce genre de crimes. Cet observatoire devra être renforcé en ressources humaines et en outils techniques pour parvenir à jouer son rôle convenablement.
Abderrahman Ladgham, ministre chargé de la Gouvernance et la Lutte contre la corruption, qui intervenait à l’ouverture de ce séminaire, a fait savoir, que des projets de loi sont, actuellement en cours d’élaboration, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la corruption. Ces projets concernent la protection des dénonciateurs de la corruption, l’actualisation de la liste des crimes relatifs à la corruption, la criminalisation du gain illégal, et la réforme de la structure du contrôle.
Par ailleurs, le ministre n’a pas nié la possibilité qu’un certain nombre d’associations, voire des partis soient financés, dans le cadre d’actions de blanchiment d’argent. Il a justifié ceci par le fait que ces entités gèrent des sommes énormes d’argent et dépensent généreusement même dans leurs actions quotidiennes (séminaires…).