à Paris (Photo : Francois Guillot) |
[03/12/2013 13:46:47] Paris (AFP) Fermetures, plans de réduction d’effectifs à répétition, voire liquidations d’enseignes comme Virgin ou Surcouf: la distribution spécialisée est à la peine en France, avec le dernier exemple en date, les Librairies Chapitre placées en lundi en liquidation judiciaire.
“Il n’y a guère pire marché au monde”, affirme à l’AFP Yves Marin, spécialiste de la distribution chez Kurt Salmon. Le secteur souffre d’un “double effet de ciseau”, avec l’augmentation de la concurrence due à internet et une consommation en baisse “parce que les gens en temps de crise repoussent les achats moins urgents”.
Les distributeurs ont été frappés par la crise et chamboulés par le numérique, leur “profitabilité a fondu”, constate l’expert.
“On a tendance à oublier que ces marchés ont été fortement chahutés. Exemple, la télévision, on sait qu’aujourd’hui un foyer français a 2,5 téléviseurs en moyenne. On peut donc imaginer qu’on est uniquement sur un marché de renouvellement”, observe pour sa part Rodolphe Bonnasse, directeur général de CA Com, groupe marketing dédié à la distribution.
Des erreurs de stratégie ont également été commises, concède-t-il.
Selon ce spécialiste, “il y a aussi la menace de la montée du marché de particulier à particulier qui représente aujourd’hui près de 3 milliards d’euros”.
Joseph Thouvenel (CFTC) lui met en cause “une espèce de course suicide à l’ouverture le dimanche”. “On nous avait dit, c’est le modèle économique de demain : nous allons ouvrir sur les Champs-Elysées le dimanche et en soirée et nous allons vous créer des emplois, aujourd’hui, c’est zéro, la preuve par Virgin”, a-t-il dit à l’AFP.
Le marché de l'”électrodomestique”, terme qui regroupe l’ensemble des appareils électriques utilisés dans la maison, est particulièrement touché.
Darty a lancé cet été un plan de réorganisation de 449 suppressions de postes administratifs et 424 créations dans les centres d’appel et les magasins. Le groupe d’électroménager compte 11.500 salariés.
Pour justifier ce plan, la direction a pointé, dans un document interne consulté par l’AFP, les acteurs internet “qui bouleversent le marché” avec “des actions extrêmement offensives”, “des politiques de prix agressives” et “des stratégies de destruction de la valeur +service+”.
Darty veut se recentrer sur son “c?ur de métier”. Il tente de préserver “le front de vente” et “d’économiser sur les fonctions support”, selon M. Marin.
L’année dernière, son concurrent direct, le groupe HTM (contrôlé par la famille Mulliez) a lui aussi engagé un plan social de 600 suppression d’emploi chez Boulanger, son enseigne de distribution (1.800 salariés).
De son côté, le vendeur de meubles et électroménager Conforama envisage de réduire de 288 personnes son effectif après-vente. Une réorganisation “absolument nécessaire”, selon une porte-parole de la direction, qui pointe “une baisse de l’activité après-vente de 42% depuis 2006”.
“Grosse panique”
Ce “double effet ciseau” a pesé aussi sur les enseignes de biens culturels. Lundi le tribunal de commerce de Paris a déclaré le réseau des 53 Librairies Chapitre (1.200 salariés) en liquidation judiciaire avec poursuite de l’activité jusqu’au 7 janvier.
Fin septembre, la Fnac (10.000 salariés en France) a annoncé 180 suppressions de postes de disquaires. Début 2012, l’enseigne avait déjà lancé un plan d’économies de 80 millions d’euros et supprimé 500 postes dans le monde, dont 310 en France.
à Paris (Photo : Marion Berard) |
“Si les entreprises de distribution spécialisée veulent rester profitables et continuer à employer du monde de façon pérenne, il faut qu’elles acceptent des restructurations marginales de personnel”, a estimé M. Marin.
“Faute de quoi c’est Virgin, c’est Game, des enseignes ferment d’un coup et d’un seul et là on ne parle plus de restructuration, mais de grosse panique”, a-t-il ajouté.
En effet, certaines enseignes n’ont pas résisté. Virgin, a été liquidé l’été et un milliers de personnes ont été licenciées. L’enseigne high-tech Surcouf a connu le même sort fin 2012.
Principal distributeur de jeux vidéo de l’hexagone, Game France a été placé en redressement judiciaire en 2012 et 400 salariés sont restés sur le carreau.
Même scénario pour le vendeur de téléphonie Phone House (1.100 salariés). Près de la moitié des salariés ont reçu leur lettre de licenciement.